L'Ontario et le fédéral ont signé une entente en 2021 visant à réduire les tarifs de garderies à 10$ par jour, mais le programme ne répondrait pas à l’ensemble des besoins des francophones. Crédit image: Canva.
L'Ontario et le fédéral ont signé une entente en 2021 visant à réduire les tarifs de garderies à 10$ par jour, mais le programme ne répondrait pas à l’ensemble des besoins des francophones. Crédit image: Canva.

OTTAWA – Près de trois ans après l’annonce en grande pompe du programme des garderies à 10$ par jour du gouvernement fédéral, des obstacles majeurs restent pour que les parents d’enfants francophones puissent en bénéficier, signalent un organisme national et le commissaire aux langues officielles.

Lors des ententes avec les provinces en 2021 concernant le programme national de garderies, Justin Trudeau avait assuré que des clauses linguistiques seraient en place pour les minorités francophones, mais les acteurs estiment que le résultat est différent sur le terrain.

Pour respecter le programme, les garderies du pays ont plafonné à 10$ par jour le coût d’une place en garderie. En Ontario, cela est venu réduire de près de 50% les tarifs de garde, mais le financement, versé par le fédéral et par la province, ne suit pas, si bien que plusieurs centres de petite enfance essuient des pertes.

« Je pense que le programme tel qu’il existe ne répond pas nécessairement à l’ensemble des besoins des francophones », affirme le commissaire Théberge.

Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge enquêtera sur le plafonnement du nombre d’étudiants étrangers au pays. Archives ONFR

Dans un rapport publié mercredi, portant sur les minorités linguistiques du pays, le chien de garde du bilinguisme au niveau fédéral « observe que les sommes accordées aux fournisseurs de service ne prennent pas en compte le coût accru des salaires et des infrastructures, ce qui semble décourager la participation de certains grands pourvoyeurs de services dans ce secteur ».

En Ontario, par exemple, 21 des 25 garderies francophones qui font partie de l’Association francophone à l’éducation des services à l’enfance de l’Ontario (AFESEO) sont déficitaires, souligne Jean-Luc Racine, de la Commission nationale des parents francophones.

« Parce qu’on a 4 centres qui sont viables, on se fie sur ces 4 centres-là pour aider les autres qui ne sont pas viables. Et il n’y a pas un sou du gouvernement qui vient, ça vient à même les opérations », a-t-il témoigné en comité parlementaire, alors que les élus à Ottawa étudient la question du continuum en éducation en milieu minoritaire.

Le gouvernement fédéral a souvent affirmé par le passé que les accords mentionnent des places pour les francophones via des clauses linguistiques. Or, les mentions ne sont pas assez explicites, soutient Jean-Luc Racine.

« Le problème est que quand on veut voir comment s’appliquent ces clauses-là, on va dans les plans d’action des provinces et il y a zéro. Dans tous les plans d’action, je vous mets au défi, on les a étudiés. ll n’y a rien de spécifique pour les francophones en contexte minoritaire », a-t-il lancé aux élus.

Le programme des garderies à 10$ « aide définitivement » les parents francophones, considère Jean-Luc Racine. « Mais il y a quand même des obstacles majeurs qui restent. L’accès est plutôt difficile », poursuit le directeur général de l’organisme des parents francophones du pays, qui souligne aussi que la situation diffère dans chaque province.

Il donne en exemple la Colombie-Britannique, qui exige que 70% des places en garderies soient comblés pour pouvoir être éligible au programme des garderies à 10$ par jour. Or, le contexte francophone en milieu minoritaire rend plus difficile l’atteinte d’un tel objectif en raison du fait que les centres de petite enfance sont souvent plus petits que chez les anglophones et que la pénurie de main-d’œuvre est plus accentuée, soutient-il.

Cela fait en sorte que 80% des parents n’ont pas le choix de placer leurs enfants dans une garderie en anglais, témoigne la Commission nationale des parents francophones.

« J’ai beaucoup de témoignages, deux parents francophones et leur petite fille ou leur petit garçon leur parlent juste en anglais et ça ne prend pas de temps, deux ou trois ans à la petite enfance et c’est perdu », déplore Jean-Luc Racine.

Espoir pour les prochaines années

Une solution au problème est le projet de loi C-35, qui a obtenu la sanction royale au printemps dernier, qui est venu garantir un engagement financier à long terme du fédéral concernant les services de garde pour les minorités francophones.

« Avec C-35, on nous garantit du financement à long terme pour. Ça, c’est un plus. Là, il reste à concrétiser la Loi et faire en sorte que le financement va suivre en conséquence », espère le dirigeant de la Commission nationale des parents francophones.

Le commissaire aux langues officielles rappelle d’ailleurs à l’ordre le gouvernement fédéral en vue d’ententes avec les provinces qui devront être signées en 2026, dans le domaine de la petite enfance. Ottawa a l’obligation de consulter les communautés francophones dans le cadre de ses négociations.

« Il est primordial que les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM) disposent des moyens de participer pleinement à la mise en œuvre de la vision du programme national de garderies », écrit-il dans son rapport.