Le soutien à l'immigration revient en partie aux provinces. Source Canva

Aucun parti politique n’a axé sa campagne sur l’immigration. À l’heure où il faut diversifier l’économie ontarienne dépendante des États-Unis, répondre à la pénurie de travailleurs qualifiés, trouver toujours plus d’enseignants et d’infirmiers francophones, plusieurs acteurs du milieu croient que les politiques devraient clarifier leur vision sur un thème qui n’est pas exclusivement de compétence fédérale.

L’immigration absente du débat? « Oui et on le déplore », soupire Alain Dobi. Pour le directeur du Réseau en immigration francophone du Centre-Sud-Ouest, les candidats devraient s’engager sur trois points : « Tenir la cible de 5 % en immigration francophone, qu’on a rarement atteinte, accélérer la reconnaissance des diplômes étrangers et organiser des campagnes de promotion pour attirer les immigrants francophones dans nos communautés. »

Ces trois positions sont appuyées par l’Assemblée de la francophonie (AFO) sur sa plateforme de propositions par et pour la population franco-ontarienne.

Même si l’immigration est une prérogative fédérale, les provinces ont plusieurs leviers pour attirer et retenir des immigrants comme le Programme ontarien des candidats à l’immigration (POCI) – dont la cible a été récemment revue à la baisse – ou le financement des services d’intégration des immigrants, ou encore la reconnaissance de diplômes étrangers

Mais rien de tout ça n’a vraiment émergé des discours des chefs durant la première partie de la campagne électorale, constate Julien Gérémie, directeur général d’ImpactON, un acteur du développement économique, social et coopératif. « Ça ne semble pas être la priorité du moment. J’ai l’impression que nos concitoyens voient que la situation économique peut se dégrader rapidement en fonction de ce qui se passe du côté des États-Unis et se préoccupent plus de ce tapis qu’on peut retirer sous nos pieds à tout moment. »

Julien Geremie, directeur général d’ImpactON. Photo : Archives ONFR / Rudy Chabannes

M. Geremie aimerait voir l’immigration figurer sur les tablettes des politiciens, notamment en termes de développement économique différencié, d’investissements en éducation et d’attraction des immigrants francophones, car « c’est clair que nos communautés en ont besoin, mais on a mis un couvercle là-dessus pour l’instant, car on priorise d’autres enjeux comme le commerce international avec les États-Unis ».

Pourtant, une des solutions avancées par les partis pour se prémunir du protectionnisme américain est de diversifier l’économie ontarienne. Or, nombreux sont ceux qui pensent que la francophonie peut apporter sa pierre à l’édifice.

« On peut mobiliser notre main-d’œuvre qualifiée issue de l’immigration pour mieux se connecter avec d’autres marchés », plaide le directeur général d’ImpactON, adepte de ne pas mettre tous les œufs ontariens dans le même panier. « Tout miser sur le marché américain, c’est prendre un énorme risque, alors qu’on pourrait compter sur les personnes ici qui viennent de divers pays, pour la plupart en fort développement. »

Dominic Mailloux, président de la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA). Photo : Archives ONFR / Rudy Chabannes

La Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA) s’inscrit dans cette logique et se fait aussi l’avocate des talents francophones capables de bâtir des ponts avec les pays francophones et échapper à la dépendance américaine.

Que ce soit au Salon Afrique-Canada Immigration Investissement (SACII), à la FrancoTech, ou ailleurs, le président de la FGA, Dominic Mailloux, défriche depuis quelques années les opportunités internationales. Il est convaincu que les francophones peuvent ouvrir de nouveaux marchés.

Il voudrait ainsi voir plus d’engagements des candidats sur la reconnaissance des acquis : « C’est une piste très sérieuse si on veut dégonfler la pénurie de personnel en éducation et en santé. En Saskatchewan, par exemple, 50 % des médecins viennent de l’étranger, une des proportions des plus élevées au pays. Quelle est la clé de ce succès qui pourrait peut-être s’exporter en Ontario? »

Alain Dobi, directeur du Réseau en immigration francophone du Centre-Sud-Ouest (RIFSEO). Photo : Archives ONFR / Rudy Chabannes

Un sentiment anti-immigration à l’échelle du pays

M. Dobi décrit en ce moment une forme de rejet de l’immigration à laquelle on attribut tous les maux de la société (inflation, chômage, manque de logements, etc.). « À Hamilton, des gens masqués ont manifesté (en novembre dernier) avec des pancartes anti-immigrants. Toute la communauté et nos partenaires se sont mobilisés pour condamner ces actes. »

Au niveau fédéral, M. Geremie perçoit aussi des préjugés d’une « immigration incontrolée dans le cœur des gens ».

« Il y a cette perception qu’une certaine limite a été franchie, abonde M. Mailloux. Ça s’est inseré dans le débat politique au niveau fédéral et on vit un retour de balancier en Ontario. On devrait enlever l’émotion de ce dossier et regarder les chiffres. On va d’un extrême à l’autre, alors qu’on devrait garder la tête froide. L’immigration fait toujours partie de la solution. »