Jennifer McKelvie, une francophone à la tête de la plus grande ville du pays

La mairesse adjointe Jennifer McKelvie a officiellement pris le relai par intérim de John Tory vendredi dernier.
La mairesse adjointe Jennifer McKelvie a officiellement pris le relai par intérim de John Tory en février dernier. Archives ONFR

TORONTO – Avec la soudaine démission de John Tory, effective depuis vendredi dernier, la mairesse adjointe francophone et francophile Jennifer McKelvie se retrouve propulsée aux manettes de la Ville reine. Son intérim devrait se prolonger jusqu’en juin, période à laquelle les électeurs seront vraisemblablement appelés à voter pour leur nouveau maire.

En renonçant à briguer le fauteuil de maire lors de la partielle à venir, la conseillère municipale de Scarborough-Rouge Park, première femme à ce poste depuis la fusion de 1998, s’enlève une épine du pied. Elle pourra se concentrer sur la continuité fonctionnelle de la ville qu’elle a promis de mener « en douceur », coupant court aux rumeurs d’instabilité évoquées dans la foulée de la démission surprise du maire.

Diplômée en sciences environnementales de l’Université de Toronto Scarborough, avec un doctorat en géologie en poche, cette géoscientifique de carrière a travaillé au sein de la Société de gestion des déchets nucléaires et été directrice principale à l’Institut canadien de recherches avancées, avant de se lancer en politique. Une suite naturelle, considère-t-elle, à son engagement communautaire local.

Après un premier revers électoral en 2014, elle décroche son premier succès dans les urnes en 2018 face au conseiller sortant de Scarborough-Rouge Park, Neethan Shan (40,2 % des voix). Elle a rempilera pour un deuxième mandat en 2022 sur un score-fleuve (72 %), avec en prime le titre de mairesse adjointe.

Racines québécoises et acadiennes

Sa maîtrise du français? Elle la doit à ses racines québécoises et acadiennes qui remontent au 17e siècle. Un précieux atout pour John Tory qui en a fait, en 2019, la successeure toute trouvée au conseiller Norm Kelly, à la tête du comité consultatif des affaires francophones.

Présente à chaque lever de drapeau franco-ontarien, elle est vite apparue comme une interlocutrice de choix pour les Franco-Torontois. « Je veux être une championne pour les francophones », affirmait-elle à ONFR+ à son arrivée à la tête du comité. « Ce n’est pas qu’une communauté, c’est aussi une langue officielle du Canada. On a le devoir de faire mieux. »

Les conseillères Jennifer McKelvie et Dianne Saxe (à gauhce), ancienne et nouvelle coprésidentes du comité consultatif aux affaires francophones de Toronto, au Gala francophone du Mois de l’histoire des Noirs, samedi dernier à Mississauga. Crédit image : Rudy Chabannes

Si les progrès sur les services en français n’ont pas vraiment débordé au cours des dernières années, elle aura au moins eu le mérite d’avoir appuyé le retour de Toronto au sein de l’Association française des municipalités de l’Ontario (AFMO) et l’abandon du retrait des livres en français de la Bibliothèque municipale, deux épisodes peu reluisants pour la ville mais qui se sont finalement bien terminés pour la communauté.

Officiellement investie depuis vendredi, suite au départ effectif de M. Tory, l’élue de l’Est torontois va désormais consacrer sa tâche à assurer la continuité des affaires municipales jusqu’aux prochaines élections.

« Mon objectif principal est d’assurer une transition en douceur » – Jennifer McKelvie

« Ma priorité absolue est la poursuite des opérations du gouvernement local pour nos résidents (…). Mon objectif principal en ce moment est d’assurer une transition en douceur et une bonne gouvernance continue », a-t-elle déclaré jeudi dernier, ajoutant ne « pas chercher à (se) présenter à la mairie lors de la prochaine élection partielle ».

Géoscientifique de profession, Mme McKelvie a remporté son premier combat politique en 2018 en devenant conseillère municipale de Scarborough-Rouge Park. Crédit image : ONFR+

Au regard de la Loi sur les municipalités de l’Ontario, ce type de scrutin partiel doit se dérouler 45 jours après la période de mise en candidature d’une durée de 30 à 60 jours suivant la déclaration du poste de maire vacant et l’adoption par le conseil du règlement de l’élection partielle. Cette déclaration pourrait intervenir dès le 29 mars prochain, portant le scrutin au printemps, une période peu propice d’ordinaire à une forte participation.

Plusieurs candidats ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt, dont Gil Penalosa, arrivé second dans la dernière course au fauteuil de maire et critique sur le bilan francophone de l’administration Tory.

Gouverner avec près d’un milliard de dollars de déficit

Entretemps, Mme McKelvie hérite de toutes les prérogatives de maire, à l’exception des superpouvoirs récemment octroyés par la province, que se partagent le conseil municipal et la direction de la Ville.

Son rôle va essentiellement consister à veiller à la continuité des programmes et services existants. Elle doit aussi assurer le leadership du conseil municipal, représenter la Ville dans les cérémonies officielles et a la capacité de convoquer des réunions du conseil ou encore d’ajouter des affaires à l’ordre du jour.

La crise du logement persiste à Toronto, dans un contexte de forte hausse de la taxe foncière. Crédit image : Rudy Chabannes

Impliquée dans plusieurs postes de gouvernance, l’élue connait très bien les rouages de la municipalité. Présidente du comité de l’infrastructure et de l’environnement et vice-présidente du Comité exécutif, elle est aussi administratrice de la Toronto Transit Commission et de la Toronto Hydro Corporation,

Certes l’approbation d’un budget équilibré avant le départ de M. Tory constitue un obstacle en moins sur sa route, mais elle risque d’être très vite rattrapée, estiment les experts, par des enjeux brûlants tels que l’inflation, la crise du logement et l’insécurité dans les transports en commun, avec de faibles marges de manœuvre. La Ville accuse en effet un déficit de 933 millions de dollars et les impôts vont grimper.