Jeux de la francophonie : la participation canadienne défie les lois de la logique
Les 9e Jeux de la Francophonie ont officiellement débuté ce vendredi à Kinshasa, capitale de République Démocratique du Congo. Si le Canada y est bien présent, certains aspects de cette participation prêtent au questionnement.
Pour leur neuvième édition, la première post-COVID-19, les Jeux de la Francophonie ont lieu dans la plus grande ville francophone du monde, Kinshasa et ses 18 millions d’habitants, jusqu’au 6 août.
Comme l’indique l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) sur le site internet dédié à la compétition, cette compétition internationale qui combine un volet culturel et un volet sportif met en avant « le dépassement de soi, la performance, l’excellence de la jeunesse francophone venue des cinq continents ».
La langue française et le caractère francophone des athlètes sont logiquement au centre de ces Jeux. Cela se retrouve à travers les buts de la compétition énoncés sur le site internet, notamment celui de contribuer à la relève sportive francophone.
Malgré le bilinguisme voire le trilinguisme des pays participants, il semble donc logique que les participants aux compétitions qui représentent leurs pays respectifs soient francophones. C’est là que le Canada entre en jeu! En effet, pour le volet sportif, l’effectif réduit à 15 athlètes qui participeront aux compétitions de judo et de lutte compte en son sein plusieurs athlètes anglophones qui ont une compréhension limitée voire nulle de la langue officielle de l’événement centré autour du français.
« Le processus de sélection des artistes et des athlètes est fondé sur l’excellence, et non sur la langue ou l’appartenance linguistique. Les artistes et athlètes n’ont pas l’obligation d’être francophones pour participer aux Jeux de la Francophonie, il faut seulement que leur pays ou gouvernement membre fasse partie de l’OIF », précise Caroline Czajkowski, responsable des relations médias pour l’équipe canadienne.
Une seule représentante ontarienne… anglophone
Ce choix délibéré de l’équipe canadienne ne va donc pas à l’encontre du règlement mais a du mal à faire sens, même s’il est assumé. Les participants anglophones ont été soumis au même processus de qualification que les francophones dans leurs disciplines respectives. Ils ne sont pas des choix par défaut pour remplacer des francophones qui se seraient désistés.
La lutteuse anglophone Nyla Burgess est la seule représentante ontarienne de la sélection. Elle a obtenu son droit de participer aux Jeux de la Francophonie en mai dernier. « Canada Lutte a organisé les Championnats nationaux U23 qui déterminaient qui serait qualifié pour les Jeux de la Francophonie, chacun dans sa catégorie de poids. Comme j’ai remporté le titre national, j’ai été sélectionnée », confie-t-elle.
La participation d’athlètes anglophones n’est pas la seule incohérence émanant de la sélection canadienne. Habituellement, le Canada est représenté par trois sélections, le Québec et le Nouveau-Brunswick se joignant indépendamment à la compétition. Mais cette année, le gouvernement québécois a décidé de se retirer de la compétition pour « protéger » ses athlètes face aux risques d’insécurité liés notamment au conflit entre le Congo et le Rwanda.
Des Québécois pas si absents que ça
Or la sélection canadienne compte pour plus de la moitié de son effectif des participants… québécois. Là encore, cela ne va pas contre le règlement, mais la « mission sauvetage » des athlètes québécois semble avoir pris du plomb dans l’aile avec tout de même 11 d’entre eux qui sont bien présents à Kinshasa.
Pour rassurer tout le monde, Isidore Kwandja le directeur du Comité national des Jeux, lors de son discours d’introduction à la conférence de presse d’ouverture, a mis l’emphase sur la sécurité qui est la priorité de l’organisation.
Nyla Burgess qui est arrivée sur place mercredi en soirée, nous a confirmé à la fois le très bon accueil qu’elle avait reçu mais aussi cet accent mis sur la sécurité.
« Ils étaient là dès l’arrivée à l’aéroport pour nous accueillir et nous emmener au village en sécurité. Ils ont passé brièvement quelques points avec nous puis nous avons eu un long briefing complet sur la sécurité le lendemain matin. Ils ont vraiment insisté sur le fait de bien suivre le protocole qu’ils ont mis en place. »
Si quelques détails restaient à régler encore jeudi, notamment au niveau de la vente des billets et comment se les procurer, les organisateurs ont fait le maximum pour que tout soit prêt pour le jour J.
Et si on se questionne sur l’intérêt d’envoyer des athlètes anglophones à ces jeux, on ne peut supposer qu’ils leur donneront l’envie d’apprendre la langue française.
« C’est un rappel pour moi qu’il faut que je travaille mon français. C’est ce que j’ai l’intention de faire », conclut Nyla qui se dit fière de représenter son pays dans une compétition internationale. D’un point de vue sportif, son objectif est de ramener une médaille et d’utiliser la compétition en guise de préparation pour les Championnats du monde U23 qui auront lieu en octobre.
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario a décliné notre demande d’entrevue, tandis que le ministère ontarien du Tourisme, de la Culture et du Sport, dans une réponse conjointe avec le ministère des Affaires francophones, renvoie la balle au ministère du Patrimoine canadien, organisateur et coordonnateur des activités liées à la participation et à l’entraînement des athlètes et des artistes représentant l’équipe canadienne.