Crédit image : Sandra Padovani

TORONTO – Après un an et demi de négociations infructueuses avec la province pour les conventions collectives, l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) tiendra un vote de grève cette semaine, du 24 au 26 janvier. Un tournant décisif qui pourrait faire pression sur un déblocage de la situation, ou bien signifier la mise en arrêt de 12 000 enseignants. À trois jours du vote : le point de vue du syndicat enseignant, celui du gouvernement et, enfin, celui des parents.

« Nous avons rencontré des centaines de membres. L’atmosphère est positive et le message collectif puissant », assure Anne Vinet-Roy, la présidente de l’AEFO.

« Obtenir un mandat de grève ne signifie bien sûr pas que l’on part en grève dès le lendemain. Entre-temps le travail de négociation se poursuit. Mais un vote de grève est un outil important qui envoie un message fort à l’employeur », poursuit-elle.

« Si nous obtenons un mandat de grève et que les choses n’avancent toujours pas même avec le conciliateur, nous nous en remettrons alors au conseil d’administration pour déterminer les meilleures mesures de grève à mettre en place. Nous n’irions pas directement vers une grève générale illimitée, dès le lendemain du résultat du vote. »

Le bureau du ministère de l’Éducation, Stephen Lecce, croit encore à la conciliation : « Nous exhortons l’AEFO à signer une entente qui maintienne les élèves en classe. Comme tous les parents, nous savons que les élèves méritent d’être en classe et d’apprendre avec leurs amis et leurs éducateurs sans menace de grève. Nous espérons que l’AEFO travaillera avec le conciliateur pour signer une entente équitable et y parvenir afin que tous les élèves de langue française puissent bénéficier de notre retour à l’essentiel et de notre stabilité en classe. »

Selon la présidente de l’AEFO, côté gouvernement, « le ton a changé depuis l’annonce de ce vote, en particulier en présence de la tierce partie conciliatrice. Quand on se retrouvera pour la prochaine ronde de négociation les 31 janvier, 1er et 2 février, nous saurons alors les résultats de ce vote de grève ».

Le système de langue française sur la balance

Lors de la dernière grève de février 2020, les quatre autres syndicats d’enseignement anglophones faisaient front unis avec l’AEFO.

Malgré les difficultés relationnelles avec le ministère de l’Éducation, la plupart a désormais déjà ratifié des ententes, dont la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (OSSTF/FEESO) et la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEO/ETFO), ceux-ci ayant renvoyé les points centraux en suspens à l’arbitrage des différends.

Des ententes centrales ont également été ratifiées avec le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP/CUPE) ainsi que le Conseil des travailleurs de l’éducation de l’Ontario (OCEW).

Selon Anne Vinet-Roy, cela n’amoindrit en rien le poids et la portée de la pression exercée : « Nous représentons tout le personnel enseignant de l’ensemble des écoles du système de langue française. S’il y a un conflit, cela aura une ampleur importante pour toutes les écoles francophones et, de ce fait, les conseils scolaires et le gouvernement vont devoir penser fort à savoir s’ils veulent vraiment aller dans cette direction et continuer à s’entêter à nous faire des offres déraisonnables. »

« Même si nos collègues ont choisi des voies différentes, et nous travaillons encore étroitement ensemble. Nous avons beaucoup d’alliés en Ontario qui comprennent l’ampleur des revendications et l’importance de bien financer et d’appuyer le système de langue française en Ontario », précise celle-ci.

L’Ontario English Catholic Teachers’ Association (OECTA), toujours en négociation, a voté à 97% en faveur d’un mandat de grève en octobre dernier.

L’exaspération des parents francophones

« Les parents ontariens sont tannés! Il est temps que cela avance et que cela se règle », raconte en entrevue avec ONFR Paul Baril, le président de Parents partenaires en éducation (PPE).

« Un vote de grève favorable impliquerait même encore des mois de flottement quant à l’issue, donc encore du stress et de l’incertitude », déplore M. Baril.

« Les parents commencent à ne pas comprendre pourquoi ce n’est toujours pas réglé. En tant que partenaires en éducation, nous ne pointons pas des doigts, mais les échos que l’on a penchent vers un blocage et une obstination du côté du gouvernement », rapporte-t-il.

« Si on regarde la situation, les syndicats anglophones ont eu des augmentations et des améliorations de condition, mais les francophones ne semblent pas encore logés à la même enseigne. C’est ce qu’on semble voir du point de vue des parents. »

PPE, qui craint une situation instable sans fin, rappelle les difficultés et perturbations qu’ont dû endurer les élèves durant la COVID, mettant fin à toute activité sociale et extrascolaire : « Si on s’oriente vers un vote de grève de zèle, tous les clubs et activités scolaires, indispensables à leur santé mentale, dans l’année vont cesser, alors qu’ils y ont repris goût. »

Celui-ci conclut en mettant l’emphase sur la volonté des parents de ne pas infliger un stress supplémentaire aux enfants, rappelant toutefois que, dans la mesure où tous les syndicats ont également de longues et tumultueuses négociations, il ne s’agirait pas d’un entêtement de l’AEFO.