Langues officielles : un Plan d’action qui « relance » la francophonie canadienne
OTTAWA – Le nouveau Plan d’action pour les langues officielles du gouvernement fédéral combiné à la modernisation de la Loi sur les langues officielles donnera un élan pour freiner le déclin du français, estiment les intervenants francophones du pays.
Annoncé mercredi matin, le Plan d’action est le plus gros investissement dans l’histoire des langues officielles avec 4,1 milliards de dollars sur cinq ans, dont 1,4 milliard en nouvel argent.
« On accueille avec joie la majoration du financement. Je crois que ça représente le sérieux auquel le gouvernement accorde aux langues officielles et aux communautés francophones en milieu minoritaire », réagit en entrevue le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) Fabien Hébert.
La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) se réjouit de voir que le Plan d’action met l’accent à plusieurs reprises sur le rétablissement du poids des francophones dans le pays. « L’immigration francophone est le grand gagnant », estime sa présidente Liane Roy.
Il est d’ailleurs le pilier principal de cette feuille de route avec un investissement de 137 millions de dollars.
« On a été écouté, on a été entendu et on s’aperçoit que beaucoup des initiatives ont été là en pensant au poids démographique. En pensant à la vitalité et l’épanouissement des communautés ainsi qu’à l’importance de la langue française. Ça nous réjouit », affirme Mme Roy.
Les données du Recensement de 2021 ont démontré l’importance d’investir et de faire des efforts pour rétablir le poids démographique des francophones, soutient-elle. La FCFA estimait que ce plan se devait d’être un de relance à la lumière des chiffres.
« La relance (de la francophonie) est amorcée. En gros, à cause des fonds et de l’importance accordée à l’immigration francophone », dit-elle.
La FCFA veut que le gouvernement fédéral augmente sa cible en immigration francophone à 12 % en 2024 jusqu’à 20 % en 2036 dans le but de rétablir et accroître le poids des francophones au pays. L’organisme estime qu’il restera toutefois attentif dans les prochaines semaines, car « on ne sait pas encore quel genre de programmes vont servir » avec ces enveloppes budgétaires réservées à l’immigration francophone.
Présent à l’annonce de mercredi, le commissaire aux langues officielles a déploré que le Plan d’action ne comporte pas la création d’un programme spécifique pour l’immigration francophone.
« C’est bon d’avoir du nouvel argent. Par contre, on doit élaborer le plus rapidement possible une politique d’immigration francophone (…). Reste à voir si avec ces ressources et avec C-13, on va élaborer et créer des programmes », commente Raymond Théberge.
Déception pour le postsecondaire
Ottawa avait promis en campagne électorale de doubler et rendre permanente son enveloppe destinée aux établissements postsecondaires, mais ça ne se retrouve pas dans l’annonce. C’est plutôt 128 millions de dollars sur quatre ans dès 2024 qui seront envoyés aux provinces pour être redirigés vers les établissements postsecondaires francophones. La ministre Petitpas Taylor a évité la question alors qu’elle s’est fait demander pourquoi cette promesse électorale n’était pas dans le Plan d’action.
« Les attentes du secteur étaient que la promesse de 2021 se concrétiserait dans le Plan d’action », a regretté l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, qui représente une dizaine d’établissements, dans un communiqué.
L’AFO s’est dit « déçue » qu’il n’y ait pas de financement permanent pour les établissements du postsecondaire ou pour l’Université de Sudbury. Son président Fabien Hébert garde toutefois espoir que le fédéral remplisse sa promesse dans les prochaines années. Il rappelle qu’un tel argent promis permettra de « développer des stratégies » pour le postsecondaire qui viendrait répondre aux besoins de main-d’œuvre en santé et en éducation.
« En ce moment, dans la communauté franco-ontarienne, on souffre d’un manque de travailleurs d’un peu partout », rappelle-t-il.
L’adoption du projet de Loi C-13, qui pourrait survenir d’ici la fin de la session parlementaire en juin, pourrait changer le portrait pour ce Plan d’action. Il est précisé que des mesures du projet de loi C-13 prévoient « un engagement supplémentaire des intervenants en milieu minoritaire », ce qui pourrait signifier davantage d’argents par la suite.
« Lorsqu’il y aura la sanction royale de C-13, il y aura beaucoup de suivis à faire parce qu’on a compris qu’il y aurait des modifications et des bonifications après coup », réagit le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), Alexandre Cédric Doucet, ajoutant que les demandes de la SANB « ont été en grande partie entendues ».
Raymond Théberge souligne aussi que « pour la première fois, il semble y avoir un alignement » entre le Plan d’action et C-13. Ce dernier est d’avis que les travaux en comité parlementaire ont grandement amélioré la première version de la refonte de la Loi sur les langues officielles de mars 2022.
« Les outils de conformité donnés aux commissaires sont beaucoup mieux, mais aussi, la partie VII de la Loi est grandement améliorée. Le langage de la partie VII va exiger et obliger les institutions fédérales à prendre des mesures positives pour le développement des communautés en situation minoritaire. »