Les lettres de mandat de Doug Ford peuvent rester secrètes, tranche la Cour suprême
Les lettres de mandat de Doug Ford, qui sont données à ses ministres, peuvent être gardées secrètes, a conclu la plus haute cour du pays vendredi dans une décision unanime.
Le premier ministre se battait depuis 2018 pour garder ses 23 lettres de mandat secrètes. CBC avait demandé l’accès à ces directives et objectifs, qui sont donnés aux ministres dans le cadre de leurs fonctions, en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (LAIPVP). Le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario (CIPVP) avait d’abord ordonné la divulgation de ces lettres de mandat.
Le gouvernement avait alors porté le dossier en appel à la Cour divisionnaire et à la Cour d’appel de l’Ontario, qui avaient toutes les deux donné raison à CBC. L’Ontario refusait de les rendre accessibles au public, car le contenu de ces lettres était protégé par la confidentialité entourant les délibérations du cabinet, arguait le gouvernement Ford.
La confidentialité du cabinet avant l’accès à l’information
Dans sa décision, la plus haute cour au pays stipule que les tribunaux et le CIPVP ont procédé à une lecture « trop étroite », notamment en affirmant que ces lettres de mandat étaient l’objet de « simples délibérations » au cabinet, rappelant « le rôle clé que joue la confidentialité du cabinet » dans le système démocratique canadien.
« Le CIPVP n’a pas accordé le poids qui convient au contexte juridique et factuel, y compris aux traditions et conventions constitutionnelles intéressant la confidentialité du cabinet, le rôle du premier ministre, ainsi que le caractère fluide et dynamique du processus décisionnel du cabinet », écrit la juge Andromache Karakatsanis dans la décision.
La Cour suprême convient de « l’importance primordiale de l’accès du public aux renseignements détenus par le gouvernement », mais rappelle « l’objectif fondamental du secret du cabinet de permettre un gouvernement efficace, de même que les considérations d’efficacité, de franchise et de solidarité qui le sous‑tendent », est-il expliqué.
« La LAIPVP prévoit néanmoins que, lorsqu’ils entrent en jeu, d’autres grands intérêts publics – qu’il s’agisse de la sécurité nationale, du droit à la vie privée ou de la confidentialité des délibérations du cabinet – revêtent une importance suffisante pour l’emporter sur l’intérêt du public dans l’accès à l’information » accentue la juge Karakatsanis.
L’opposition réagit
Le gouvernement Ford n’avait pas commenté la nouvelle au moment de mettre sous presse, mais les partis d’opposition à Queen’s Park n’ont pas tardé de réagir.
« Le public mérite de savoir ce que le premier ministre demande à ses ministres de faire, si ce gouvernement était véritablement ‘pour le peuple’, cela inclurait le droit du peuple de savoir ce que fait son gouvernement », a dit la cheffe libérale Bonnie Crombie, ajoutant que si elle était portée au pouvoir, elle rendrait publiques les lettres de mandat ministérielles.
Le NPD a critiqué le fait que le gouvernement ontarien ait « dépensé d’énormes sommes d’argent des contribuables pour garder ces documents secrets ».
« M. Ford et les conservateurs estiment qu’ils ne doivent aucune transparence ni responsabilité à la population de l’Ontario à l’égard de leurs décisions malhonnêtes en coulisses », dénonce la cheffe néo-démocrate Marit Stiles dans un communiqué.
Le verdict ordonne aussi à la Société Radio-Canada de payer les frais juridiques encourus par la province dans ce dossier.
Au fédéral, Justin Trudeau publie les lettres de mandat qui sont transmises aux différents ministres. En 2023, le média anglophone Global News avait mis la main sur l’ensemble des lettres de mandat de 2018 du premier ministre ontarien. Cette décision de la Cour suprême aura toutefois un effet plus large sur l’accès à l’information au pays.
Plus de détails à venir.