
L’Université de l’Ontario français renverse la vapeur avec 80 % d’étudiants franco-ontariens

TORONTO – Alors que l’Université de l’Ontario français (UOF) comptait 70 % d’étudiants internationaux à son ouverture, le rapport s’est aujourd’hui inversé au profit des étudiants de l’Ontario qui représentent 80 % des effectifs. En un an, l’institution est par ailleurs passée de 360 à 588 étudiants inscrits pour la rentrée d’automne. Les circonstances favorables à son expansion sont en partie à chercher dans le succès de son programme en éducation.
« Ça surpasse nos attentes », confie la vice-rectrice aux études et à la recherche à l’Université de l’Ontario français, Isabelle Dostaler. « On envisageait plus de 500 étudiants. »
L’académicienne rappelle qu’après avoir remarqué l’appétit des étudiants ontariens pour le Baccalauréat en éducation (B. Éd.), 80 places supplémentaires ont été acordées à l’UOF pour cette filière cette année. François Hastir, qui dirige le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), se rappelle que « c’était le seuil prévu dans le plan d’affaires déposé au fédéral et au provincial au moment de recevoir les fonds. »
Une majorité d’étudiants ontariens
En comparaison avec ses débuts où l’UOF comptait près 70 % d’étudiants internationaux, Mme Dostaler souligne qu’un programme tel que le B. Éd. requiert non seulement une formation universitaire initiale de premier cycle, mais surtout un statut de résident permanent ou citoyen canadien pour s’inscrire.
Mélanie Cayer est étudiante dans ce B. Éd en parallèle de sa vie de mère de famille à Pembroke. Elle dit avoir été séduite par la flexibilité du mode d’enseignement. « J’ai su que l’UOF offrait le B. Éd. en français, en ligne, et que c’était ma chance de saisir mon rêve », déclare-t-elle en considérant sa proximité avec la base militaire où travaille son mari ainsi que ses six enfants scolarisés à Pembroke.
« Il y a aussi le fait qu‘après le premier stage, on peut obtenir la carte transitoire qui nous délivre le statut d’enseignant qualifié », ajoute l’étudiante.

Après un parcours académique entamé en anglais à l’Institut universitaire de technologie de l’Ontario à Oshawa, elle avoue avoir été réticente à l’idée d’étudier en français. « Je suis francophone, mais là, c’est faire des devoirs, des cours, est-ce que je peux le faire? Je me suis dit que j’allais me lancer le défi. »
Une bourse d’études versée par l’UOF a également joué en faveur de Mélanie Cayer. Ces fonds encouragent la poursuite d’études en éducation dans l’objectif de pallier la pénurie d’enseignants en Ontario. De plus, l’année prochaine, un baccalauréat en arts couplé à un B. Éd. verra le jour, permettant « les étudiants provenant du secondaire pourront suivre deux programmes simultanément en quatre ans », annonce la vice-rectrice.
François Hastir pense également que « la spécialisation sur les organismes francophones en situation militaire qui n’existe nulle part ailleurs qu’à l’UOF, ça parle aux étudiants postsecondaires. »
Une notoriété bâtie avec les années
« Il y a quatre ans, tout ce que connaissaient les étudiants c’était la crise du Jeudi noir, c’était à peu près tout », considère M. Hastir, dans un contexte où l’UOF devait, selon plusieurs observateurs du dossier, tacitement ouvrir des filières non concurrentes à l’offre existente des autres universités.
Cette « restriction » levée, combinée avec l’actuel plafond de 437 000 permis d’études accordés, les cartes ont été redistribuées.

« Cette année, on a un tout nouveau programme, un baccalauréat en santé mentale », ajoute Mme Dostaler, un programme qui, selon elle, assure de nombreux débouchés. Un programme de travail social serait en outre à l’étude.
Le succès du B. Éd « inspire le développement de nouveaux programmes » dans les domaines confrontés à une pénurie de travailleurs qualifiés, abonde-t-elle.
Contenir l’exode étudiant vers les universities
Une des problématiques sous-jacentes reste l’offre limitée de programmes qui pousse les étudiants franco-ontariens à se tourner vers des établissements anglophones. « La réalité, c’est qu’il y a des étudiants intéressés par des programmes comme ingénierie, droit ou médecine où malheureusement les institutions ont des difficultés à aller chercher une offre de programme », détaille M. Hastir, au vu des restrictions de programmes qu’a connues l’UOF.
Du côté de l’UOF, la volonté d’accroître davantage la population étudiante est là. « Nous sommes et nous demeurerons une université à taille humaine. Si un jour on atteint 2000-2500 étudiants, ce serait un objectif pour nous, pas plus », estime la vice-rectrice, qui explique que l’éventuelle introduction à davantage de programmes scientifiques sera forcément imposée avec « un idéal de justice sociale. »
« Notre but, c’est de travailler au développement et à l’introduction de nouveaux programmes qui vont nous permettre d’aller recruter davantage auprès des étudiants qui finissent le secondaire », conclut l’académicienne.
M. Hastir en est bien conscient. « Avec l’UOF, il y a eu beaucoup de tables et de concertations avec les étudiants du secondaire et du postsecondaire. C’est pour voir si les programmes correspondent bien à leurs attentes. »
Au printemps, les chiffres compilés par le Centre de demande d’admission aux universités de l’Ontario (OUAC) démontraient pour l’UOF comme pour les autres universités francophones, un déclin dans ses demandes d’admission. Cependant, ces chiffres ne comprenaient pas le système du portail TEAS à travers lequel les étudiants en éducation soumettent leur demande.
« En regardant les chiffres OUAC, on a l’air de ne pas avoir beaucoup d’étudiants, mais en comptant les étudiants en éducation, ça donne une autre image », nuance Mme Dostaler.