Les prochains mois s’annoncent chargés pour les Langues officielles
OTTAWA – Alors que les députés font leur retour à la Chambre des Communes, ce lundi, une question est dans toutes les têtes : quand est-ce qu’un projet de loi sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) sera déposé? Si cette question est encore sans réponse, ce n’est pas la seule saga qui devrait occuper l’esprit des organismes des droits des francophones du pays. Survol de dossiers qui devraient occuper la prochaine année en langues officielles à Ottawa.
Le dossier de la modernisation LLO pourrait bien passer en mode accélération prochainement alors que les libéraux l’ont promis dans les 100 premiers jours de leur mandat. Ça devrait donner une bonne idée de l’allure des choses dans la capitale nationale au cours des prochains mois, croit la professeure en sciences sociales de l’Université d’Ottawa Geneviève Tellier.
« Ça va être le test car, s’il y a un sujet où il pourrait y avoir une bonne entente, c’est bien celui-là. Ça fait certainement consensus au Québec et ça ne fait pas trop de vagues dans le reste du Canada. Alors il y aurait toutes les bonnes conditions pour faire une loi non partisane. Si le ton monte et que l’opposition dénonce le gouvernement, on aura le ton du Parlement. »
Si la promesse de la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor, d’avoir un projet de loi au début du mois de février est toujours dans les plans, il s’agit d’un échéancier peu réaliste, nuance le politologue Rémi Léger.
« Je ne pense pas que ça va se faire en quelques semaines, ça va quand même prendre au moins quelques mois. Je pense que les différents partis vont vouloir se faire champion des langues officielles et de la francophonie. Je ne pense pas que ça va être le consensus dès le jour 1 à Ottawa. Je m’attends à des débats. »
Même s’ils sont minoritaires, les libéraux pourraient obtenir sans difficulté apparente des appuis pour faire approuver ce projet de loi.
« Je dirais le Bloc et ça serait à l’avantage des libéraux qui pourraient dire qu’ils sont capables de faire le travail du Bloc au Québec », tranche Mme Tellier. « Le NPD ne serait toutefois pas loin derrière. Je ne serais pas surprise que les conservateurs s’opposent, car c’est le rôle de l’opposition officielle, mais c’est eux qui vont vraiment dicter le jeu à savoir si on va noter tous les petits points où l’on va collaborer. »
Plan d’action
C’est aussi cette année qu’auront lieu les préparatifs pour le prochain Plan d’action pour les langues officielles qui vient à échéance en 2023. Un nouveau joueur pourrait bien se pointer à l’horizon.
« On peut s’attendre à ce que le dossier du postsecondaire, soit les fonds promis durant la campagne, soit intégré dans le prochain Plan d’action. Cela étant dit, c’est encore un gouvernement libéral qui est en place pour ce plan, alors on peut s’attendre à ce qu’il y ait la même saveur », dit Rémi Léger.
Ça sera aussi le moment de dresser un bilan, notamment avec les données du recensement de 2021 qui devrait donner un portrait plus juste des communautés linguistiques d’un océan à l’autre.
« La fin d’un Plan d’action est aussi là où on prend acte de ce qu’étaient les objectifs et si ils ont été atteints. Le dernier Plan d’action avait des objectifs plus sur le long terme comme, par exemple, de stabiliser la proportion des francophones hors Québec d’ici 2036. Mais on sera quand même en mesure de voir quelle est la trajectoire depuis 2018 », affirme la politologue au Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard.
Postsecondaire et immigration
Alors que les libéraux ont promis en campagne électorale de donner 80 millions de dollars chaque année aux institutions postsecondaires en milieu minoritaire, leur situation précaire devrait encore revenir sur la table dans les prochains mois.
Des établissements se disent en difficulté financière comme c’est le cas du Campus Saint-Jean et de l’Université de Moncton en plus de toute la saga universitaire à Sudbury.
« C’est une façon pour le gouvernement de s’affirmer en matière de langues officielles. Alors on va délaisser l’aspect de la recherche et des prêts aux étudiants et on va aller ailleurs où il y a un devoir constitutionnel un peu plus large », estime Geneviève Tellier sur l’aide financière qui leur sera accordée.
L’immigration devrait aussi être de la partie, alors qu’un récent rapport du commissaire aux langues officielles Raymond Théberge révèle que le fédéral n’a jamais atteint sa cible en immigration francophone hors Québec depuis 2001. De plus, de récents reportages de Radio-Canada et du Devoir rapportent des taux de refus de 80 à 90 % d’étudiants immigrants francophones en provenance d’Afrique, ce qui aurait un impact sur l’atteinte du 4,4 % en immigration francophone, selon la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) du Canada.
« Si l’un des objectifs du prochain Plan d’action est de maintenir le cap sur cette cible-là, il faudra que l’immigration francophone soit une priorité », juge Mme Chouinard. « On a déjà observé des moyens pour améliorer ça, notamment avec le scandale des étudiants africains. L’attrait et la rétention de jeunes éduqués francophones qui viennent au Canada pour y rester semblent être une avenue facile. Mais pour ça, il faudra que le ministère de l’Immigration y mette du sien. »