Ottawa continue de défendre sa nomination d’une lieutenante-gouverneure unilingue
OTTAWA – Le gouvernement Trudeau garde le cap : sa nomination d’une lieutenante-gouverneure unilingue anglophone au Nouveau-Brunswick respecte la Constitution et n’exige pas une connaissance des deux langues officielles. Ottawa est de retour devant les tribunaux ce jeudi à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick pour contester un jugement précédent.
L’an dernier, un tribunal de la première instance avait jugé que le fédéral avait manqué à ses obligations linguistiques et constitutionnelles en 2019, en nommant Brenda Murphy comme lieutenante-gouverneure de la province bilingue. Quelques mois plus tard, la décision était contestée judiciairement par la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB). Brenda Murphy avait été nommée par le Bureau du Conseil privé à la suite d’une recommandation du premier ministre Justin Trudeau.
La juge en chef Tracey Deware de la Cour du Banc de la Reine avait donné raison à l’organisme acadien soulignant que la personne représentant la fonction de lieutenant-gouverneur se devait d’être bilingue. La juge écrivait notamment que comme Mme Murphy représentait une institution bilingue, les Néo-Brunswickois avait le droit de pouvoir communiquer avec elle dans les deux langues officielles.
Dans son mémoire présenté en Cour, le gouvernement estime que cette nomination du premier ministre « constitue un geste purement politique qui, à lui seul, n’a produit aucun effet juridique » et donc n’exige pas de respecter la Constitution. Les avocats fédéraux prétendent aussi que rien dans la Constitution n’exige que la personne étant au poste de lieutenant-gouverneur ne puisse être unilingue. Selon ces derniers, ça serait une « erreur » que la Cour force le premier ministre à procéder seulement à des nominations bilingues à ce poste.
Une nomination inconstitutionnelle, selon la SANB
La SANB estime plutôt qu’une personne unilingue occupant une telle fonction va à l’encontre du principe de bilinguisme au Nouveau-Brunswick qui est reconnu dans les lois fédérales.
« Pour nous, la nomination de la lieutenante-gouverneure unilingue anglophone était inconstitutionnelle. Ça prend une décision de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick pour renforcer ça. Tant et aussi longtemps que ce n’est pas écrit dans une loi, on sera toujours à la merci de la volonté politique », dénonce son président Alexandre Cédric Doucet.
Au début du mois de juin, le gouvernement néo-brunswickois a demandé le statut d’intervenant dans ce dossier aux côtés du fédéral. Pourtant, durant les derniers mois, les deux gouvernements sont aux antipodes concernant leur position sur la francophonie.
Justin Trudeau a écorché à plusieurs reprises son homologue provincial sur sa façon de gérer la révision de la Loi sur les langues officielles comme la nomination de Kris Austin, un ancien dirigeant d’un parti anti-bilinguisme, sur un comité chargé de réviser la Loi. Lorsque le gouvernement Higgs a proposé d’abolir son programme d’immersion en français, Ottawa avait promis de couper les fonds qu’il envoyait à la province.
Trudeau-Higgs : « Ça fait un drôle de couple » – Alexandre Cédric Doucet
Le président de la SANB trouve ironique de voir les deux camps du même côté dans ce dossier.
« Voir le premier ministre Trudeau et le premier ministre Higgs se mettre ensemble contre nous et contre le droit des Acadiens du Nouveau-Brunswick, c’est insensé (…). Ça fait un drôle de couple. Comme ils disent en anglais, ça fait un strange bedfellows », ironise-t-il
Son organisme a aussi porté en appel, dans la même cause, la décision de la juge Deware qui ne forçait pas le gouvernement a annulé la nomination de Mme Murphy.
À l’époque, la ministre des Langues officielles et députée de Moncton Ginette Petitpas Taylor avait annoncé la contestation de la décision, mais promettait que son gouvernement ne nommerait plus une personne unilingue à ce poste. Le jugement de la Cour d’appel est attendu d’ici quelques mois.