Pas de projet de loi sur les langues officielles sans modifications prévient l’opposition
OTTAWA – C’est aujourd’hui la rentrée parlementaire à Ottawa alors que l’opposition attend un dépôt de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Avec la récente saga à Air Canada à l’appui, les adversaires des libéraux réclament plus de pouvoirs pour le commissaire aux langues officielles et d’autres changements avant d’appuyer une future loi.
Le Parti libéral, qui est minoritaire, et sa nouvelle ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor promettent un dépôt d’ici le 2 février prochain.
« Le compteur a déjà commencé. Pour moi, c’est une priorité absolue de redéposée ce projet de loi », affirmait-elle à ONFR+ la semaine passée.
L’ancienne ministre Mélanie Joly avait déposé une version de la loi C-32 en juin dernier, mais elle était morte au feuilleton à la suite du déclenchement des élections par les libéraux. Si sa successeure promet de l’amener en chambre dans les 100 premiers jours, il devra y avoir des modifications, prévient l’opposition.
« Le projet de loi de Mme Joly était un bon départ, mais il faut aller plus loin… On regarde par exemple à donner plus de pouvoirs au commissaire aux langues officielles avec la possibilité d’avoir un tribunal administratif, donner des sanctions financières et pécuniaires pour donner encore plus de mordant à la loi », affirme Alexandre Boulerice, un des porte-parole aux langues officielles au Nouveau Parti démocratique (NPD).
Pour les conservateurs, il manque des éléments au projet de loi, dit le député Alain Rayes, porte-parole aux langues officielles du parti. Il donne notamment l’exemple de la FCFA qui a récemment demandé des modifications au document de loi déposé par Mélanie Joly avant la fin de la session parlementaire.
« Si jamais Mme Petitpas Taylor dépose exactement le même projet de loi que Mme Joly, ça va être extrêmement décevant », prévient M. Rayes. « Elle sait déjà depuis plusieurs semaines que les organisations ont fait part des améliorations, alors j’ose croire qu’elle va avoir tenu compte que de ce qui va avoir été demandé par l’ensemble des organisations. »
Du côté du Bloc Québécois, un appui du parti souverainiste à la loi C-32 nécessiterait l’ajout de plus de pouvoirs au gouvernement de François Legault.
« On demande à ce que la loi 101 s’applique aux entreprises fédérales au Québec. On demande à ce que la Charte de la langue française soit appliquée, car la Loi sur les langues officielles ne fonctionne pas. D’un côté, on reconnaît et on appuie les demandes des francophones en situation minoritaire, mais globalement on veut que l’aménagement linguistique du Québec soit dirigé et décidé par le gouvernement du Québec », réclame le porte-parole des bloquistes aux langues officielles, Mario Beaulieu.
D’ici 100 jours?
Alain Rayes se montre sceptique face aux propos de la toute nouvelle ministre du cabinet de Justin Trudeau concernant un dépôt rapide de la loi C-32.
« J’aimerais bien lui faire confiance, mais Mme Joly l’avait dit plusieurs fois que ça serait fait. Les libéraux sont au pouvoir depuis six ans et ça fait six ans qu’ils disent que ça va être fait… Je ne veux plus croire les paroles. Elle peut bien nous dire une date et c’est parfait je l’entends, mais je vais la croire quand je vais voir le projet déposé. »
Si la loi obtient des modifications, ça pourrait bien être en grande partie à cause du dossier Michel Rousseau et du transporteur aérien. Selon Alain Rayes, les dernières semaines ont renforcé le besoin de donner plus d’outils au commissaire Raymond Théberge.
« Ce qui est arrivé fait juste confirmer ce qu’on dit depuis des années. Quand le commissaire peut juste dire des choses et écrire ça sur des bouts de papier, ça fait en sorte qu’on se retrouve avec une Air Canada dont le PDG n’a aucun malaise de ne pas parler français en vivant à Montréal durant les 14 dernières années. »
Du côté du Bloc Québécois, on veut toutefois une certaine nuance si on est pour donner plus de possibilités d’interventions à M. Théberge.
« Pour l’extérieur du Québec oui, mais pour le Québec on ne veut pas que le commissaire vienne renforcer le bilinguisme institutionnel, car nous on veut que le français soit la langue commune. On ne veut pas que le commissaire vienne intervenir dans la Charte de la langue française au Québec », précise Mario Beaulieu.
Un des autres gros dossiers pour le NPD sera la cible du 4,4 % d’ici 2023 en immigration francophone hors Québec, longtemps fixée par les troupes libérales.
« Il faut qu’on se penche sérieusement sur l’immigration francophone. Au Québec, on a une entente économique pour les immigrants qui fonctionne assez bien. Pour les autres provinces, on est loin du compte. Ça n’a pas été atteint alors il faut voir ce qui ne fonctionne pas dans nos démarches pour attirer des immigrants francophones dans les autres provinces. Soyons clairs, une bonne partie de la résilience et de la durabilité des communautés francophones hors Québec va passer par l’immigration. Il faut regarder ce que le gouvernement fédéral peut faire », avance M. Boulerice.
Le discours du trône, qui marquera les priorités du mandat de Justin Trudeau, aura lieu demain.