Plan d’action : accueil mitigé dans les secteurs menacés

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, au dévoilement du Plan d'action pour les langues officielles 2018-2023. Crédit image: Stéphane Bédard

OTTAWA – Depuis plusieurs mois, plusieurs organismes de la francophonie canadienne tirent la sonnette d’alarme. Les domaines des médias, de l’alphabétisation ou encore de la justice étaient particulièrement touchés. Le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023, tout juste dévoilé, en laisse certains inquiets.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« C’est un signe encourageant de voir que les médias se retrouvent dans le plan d’action. On n’est jamais contre de l’argent supplémentaire, mais ce n’est malheureusement pas suffisant », lance le président de l’Association de la presse francophone (APF), Francis Sonier.

Assez critique sur le Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023, le politologue Martin Normand avait pourtant vu l’aide de 14,5 millions de dollars sur cinq ans pour les médias communautaires comme l’un des quelques bons coups du gouvernement libéral.

Mais sur le terrain, le Fonds d’appui stratégique aux médias communautaires de 10 millions de dollars sur cinq ans pour financer des projets et les 4,5 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans pour créer des stages ne répondent pas aux besoins à court terme.


« On parle d’aide pour des projets, mais comment faire des projets quand on a des défis opérationnels? On vit au jour le jour, on ne se projette pas! » – Francis Sonier, président de l’APF


« On a des journaux qui n’ont plus qu’un employé et demi, d’autres qui ont dû licencier plusieurs personnes récemment, nous-mêmes avons dû prendre des décisions difficiles… Il y a au moins un journal et une radio francophone qui sont très fortement menacés. Ça prend une aide d’urgence au niveau opérationnel d’ici trois mois pour nous aider. Ça presse! », ajoute celui qui est aussi l’éditeur-directeur général du quotidien néo-brunswickois, L’Acadie Nouvelle.

Les conservateurs appuient un fonds d’urgence

Il y a quelques jours, l’APF et ses partenaires de l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARC du Canada) et du Quebec Community Newspaper Association, avaient exprimé ce besoin d’un fonds d’urgence de deux millions de dollars pour répondre devant le comité permanent des langues officielles.

La résolution, présentée par les conservateurs, a toutefois été ajournée par les députés libéraux qui préféraient attendre la présentation du plan d’action.

« Les libéraux ont fait fi des demandes des témoins et ont refusé de voter sur la motion conservatrice. Les médias locaux jouent un rôle central dans la vie des petites communautés. Encore plus important dans les communautés de langues officielles en situation minoritaires, où ils maintiennent la vitalité de la langue et favorisent le sentiment d’appartenance. Sans ces médias, la survie même de ces communautés est en péril », a fustigé le porte-parole du Parti conservateur du Canada, Alupa Clarke.

Espoir en alphabétisation

La situation de certains journaux, le Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des compétences (RESDAC) la traverse aussi. L’organisme, qui représente depuis 1991 les groupes et associations francophones d’alphabétisation au Canada, n’a plus aucun employé depuis quelques mois et compte sur ses bénévoles à travers le pays pour survivre.

Si l’alphabétisation et le développement des compétences ne sont pas mentionnés de façon précise dans le plan d’action, le président de l’organisme, Donald Desorches, se dit encouragé.

« Le plan d’action prévoit du financement de base pour les organismes, nous avons bon espoir d’en faire partie. Il y a des discussions, mais pas d’engagement. On verra quand les budgets seront octroyés. Mais c’est sûr que si nous ne sommes pas dedans, ce sera la fin du RESDAC. »

L’organisme espère revenir au financement de base de 400 000 $ par année d’il y a quelques années.

Bientôt deux centres d’information juridique?

L’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) a elle aussi vu son financement de base supprimé en 2014. L’organisme se réjouit donc de l’annonce de son rétablissement pour les organismes de justice.

« On rétablit l’enveloppe de 3,75 millions de dollars sur cinq ans qui y était consacrée, ce qui correspond à ce qu’il y avait avant 2013, donc on est content », commente la directrice générale de l’organisme, Andrée-Anne Martel.

Andrée-Anne Martel, directrice générale de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO). Archives

Quant au centre d’information juridique, toujours menacé, l’AJEFO attend encore des réponses, même si le Fonds d’appui à l’accès à la justice dans les deux langues officielles a été bonifié de 10 millions $ sur cinq ans.

« Ce qui est intéressant, c’est que le plan d’action confirme que nos projets font toujours partie de la stratégie du gouvernement. Nous avons déposé deux demandes de financement pour une bonification de l’enveloppe pour le Centre d’information juridique d’Ottawa, afin d’ajouter un deuxième avocat, et pour la création d’un autre centre à Sudbury. »

Avant d’en savoir plus, l’AJEFO devra supporter à même ses fonds le maintien du centre d’Ottawa.

« On espère une réponse le plus rapidement possible. Le dialogue avec le gouvernement est ouvert avec le ministère de la Justice. On est optimiste, car les résultats sont là. En trois ans, nous avons desservi quelque 6 000 justiciables. Nous offrons un service essentiel! »


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