Une collaboration entre universités pour aider l’UOF et la Laurentienne?
Avec le lent départ de l’Université de l’Ontario français (UOF) et les déboires financiers à l’Université Laurentienne, certains experts se demandent s’il ne serait pas temps de voir un genre de partenariat à grande échelle entre les différentes universités de langue française en Ontario.
Pour Gilles Levasseur, professeur de gestion et de droit à l’Université d’Ottawa, les déboires financiers à l’Université Laurentienne pourraient signifier de graves répercussions pour les programmes en français.
Selon lui, c’est l’occasion parfaite pour l’administration sudburoise de renflouer ses coffres en s’associant avec d’autres universités francophones. Elle pourrait ainsi garder l’offre de cours en français qui avait failli disparaître en septembre dernier.
« Il faut maximiser la situation actuelle en s’alliant avec l’Université d’Ottawa et avec l’UOF. Si ces programmes disparaissent, ils ne reviendront plus jamais. Il ne faut pas se le cacher, c’est trop onéreux et prenant en compte la demande de fonds que ça exige et s’il n’y a pas une infusion d’argent supplémentaire, les programmes ne reviendront pas. En faisant des alliances, on est capable de protéger ce qui existe », croit le professeur de l’Université d’Ottawa.
Pour ce dernier, la Laurentienne serait gagnante dans ce type d’alliance au niveau financier.
« Ça serait rentable, premièrement car on partage les frais de scolarité, alors ce sont des revenus qui rentrent. Deuxièmement, en faisant un gel des salaires et des embauches, on limite la demande de nouvelles dépenses financières. »
« Maintenant qu’on travaille mieux avec les technologies, il y a peut-être des solutions nouvelles qui pourraient émerger » – Luc Bussières
À Hearst, la situation économique actuelle rend les choses difficiles pour l’université, selon son recteur Luc Bussières.
Ce dernier croit toutefois que le milieu universitaire pourrait se réinventer avec les nouvelles technologies qui ont été utilisées pour l’enseignement à distance durant la pandémie.
« Maintenant qu’on travaille mieux avec les technologies, il y a peut-être des solutions nouvelles qui pourraient émerger. Le contexte actuel pourrait générer des choses qu’on n’avait pas vues venir avant la pandémie. On peut inventer de nouvelles choses, mais il faut les établir sur des bases solides qui peuvent durer dans le temps et qui répondent à des besoins rapidement. Rien n’est impossible, mais c’est un gros défi. »
Il croit aussi que c’est aussi l’objectif du ministère des Collèges et Universités, soit d’augmenter l’enseignement virtuel au postsecondaire.
« Le ministre Romano a mis la table pour ça. Il essaie de positionner l’Ontario et son secteur postsecondaire comme un chef de file dans l’offre de cours en ligne, pas seulement en temps de crise, mais après la pandémie. Il y a clairement un souhait qui est exprimé et des montants investis, comme un 60 millions de dollars pour développer les capacités numériques dans le secteur postsecondaire indiquant que le ministère va dans ce sens-là. »
Une « énorme collaboration » nécessaire
Pour Normand Labrie, professeure et vice-doyen à l’Institut d’études pédagogiques de l’Université de Toronto (OISE), la solution est plus compliquée qu’elle en a l’air. Elle nécessiterait une coopération entre universités comme jamais auparavant.
« Il y a toujours eu des barrières. Les institutions partagent toutes les mêmes objectifs, mais elles sont aussi toutes en compétition. (…) Ce ne sont pas des solutions faciles. Ça demanderait une énorme collaboration entre les institutions et elles devraient faire fi de leur propre concurrence. Ça ne serait pas réaliste à court terme, car ça demanderait beaucoup de temps, d’efforts et de changements. »
Il ajoute que les partenariats permettent de réduire les coûts en plus de multiplier les offres de programme et de cours ainsi que d’avoir l’accès à des professeurs plus spécialisés dans un autre établissement. Toutefois, il précise que ce ne sont pas n’importe quels partenariats qui permettent de tirer ces bénéfices.
« Chaque programme est alloué individuellement, une fois crée. On met un certain nombre de cours dans le programme et ça ne laisse pas toujours de flexibilité aux étudiants dans le programme de suivre des cours dans un autre programme. Par exemple, un étudiant qui étudie en common law à l’Université d’Ottawa n’a pas nécessairement de cours dans d’autres programmes qu’il peut suivre ailleurs. Il peut y en avoir, mais c’est marginal », affirme Normand Labrie.
L’UOF possède déjà une entente de principe avec l’Université de Hearst pour trois programmes dès 2022 qui devraient générer une cinquantaine d’étudiants après quatre à cinq ans.
À l’établissement torontois, qui a tenté de calmer le jeu au cours des dernières semaines après avoir raté sa cible d’admissions, on admet qu’« une université collaborative est au cœur même du projet de l’Université ».
« Tout est possible », laisse entendre Dyane Adam, la présidente du Conseil de gouvernance de l’UOF sur de possibles autres partenariats. « Il ne faut pas que ce soit juste des échanges de cours ici et là. Il faut que ça soit encadré et que les deux partenaires aient la même vision par rapport à l’apprentissage souhaité. »
« Un mauvais projet, » dès le départ
Pour Daniel Cayen, ancien sous-ministre adjoint à l’Office des Affaires francophones de l’Ontario, le projet actuel de l’UOF est voué à l’échec. Pour lui, un partenariat ne marchera pas tant et aussi longtemps que des institutions bilingues de la province seront de la partie.
« On menotte l’UOF en ne lui donnant pas la possibilité d’offrir les mêmes programmes offerts par l’Université Laurentienne, Ottawa, Hearst et le campus Glendon » – Daniel Cayen
« Ces institutions sont en concurrence l’une avec l’autre. On a refusé d’étudier la question d’une université à nous seulement les francophones, car les intérêts des différentes universités bilingues ont eu gain de cause… Je préconise d’avoir une université avec son conseil des gouverneurs, son recteur francophone qui récupérerait la programmation de langue française à Hearst, à la Laurentienne et Ottawa pour le mettre sous la gouvernance de l’UOF. »
Pour ce dernier, tant et aussi longtemps que l’UOF ne pourra pas viser des programmes offerts en français dans d’autres institutions, le projet sera voué à l’échec.
« On menotte l’UOF en ne lui donnant pas la possibilité d’offrir les mêmes programmes offerts par l’Université Laurentienne, Ottawa, Hearst et le campus Glendon. Donc, pas d’écoles de droits, pas d’école de médecine, pas de sciences sociales, etc. (…) On enlève tout cette programmation et on la menotte davantage. »