Paysage du Nord de l'Ontario. Source : Canva

Près d’un an après une saison record de feux de forêt, ce 22 avril, Jour de la Terre, est l’occasion de faire le point sur la situation environnementale en Ontario. Après le scandale du retrait des terres protégées de la Ceinture de verdure du gouvernement Ford, le fédéral lui donne son appui pour un autre projet controversé, la construction de la nouvelle autoroute 413. Entre taxe carbone et objectifs environnementaux d’ici à 2030, où en est-on aujourd’hui en Ontario?

Le rapport 2023 L’état de l’environnement en Ontario, de la précédente vérificatrice générale de l’Ontario Bonnie Lysyk, fait état de plusieurs marqueurs inquiétants.

Si la qualité de l’air s’est améliorée en dix ans, notamment dû à l’amélioration des systèmes antipollution des véhicules ou de l’industrie, les concentrations atmosphériques d’ozone troposphérique, responsables de problèmes respiratoires, ont augmenté. La pollution atmosphérique est responsable de 7% de décès et de 4000 hospitalisations par an pour des raisons respiratoires et cardiaques.

La qualité de l’eau semble varier à l’échelle de la province, car les lacs Érié et Ontario sont généralement plus pollués que les lacs Huron et Supérieur, avec des proliférations d’algues plus fréquentes et des concentrations plus élevées de microplastiques. Côté rivières et cours d’eau, 60 % obtiennent une cote de « plutôt mauvaise » à « très mauvaise » et 41% de « douteuse » à « mauvaise », particulièrement en zone urbaine.

La qualité de l’eau des plages ontariennes s’améliore toutefois dans l’ensemble depuis 2011, nous indique le rapport, concernant la concentration de bactéries E. coli.

La qualité des sols s’est dégradée sur les terres cultivées. Selon des données de 2016, 58 % des terres cultivées présentaient déjà un risque d’érosion du sol de modéré à très élevé, réduisant la productivité ou l’annihilant à long terme.

L’Ontario a émis 149,6 Mt d’équivalents en CO2 en 2020, ce qui représente environ 22 % des émissions du Canada. Source : Rapport 2023 du Bureau de la vérificatrice générale L’état de l’environnement en Ontario.

Côté gestion de déchets, la capacité actuelle « d’enfouissement » de l’Ontario permettra l’élimination de déchets pendant 13 années supplémentaires seulement. À l’origine de la hausse de production de déchets : croissance démographique, augmentation de la consommation, utilisation croissante d’articles à usage unique et d’emballages. Malgré une progression du recyclage de 19 % à 29 % entre 2002 et 2020, la quantité de déchets générale demeure élevée et s’évalue à plus de 8 millions de tonnes par an.

Les forêts recouvrent près des deux tiers de l’Ontario. Le nombre moyen d’hectares perdus chaque année à cause de la déforestation est presque le quadruple de la quantité établie à titre de nouvelles forêts. De plus, les changements climatiques augmentent les conditions météorologiques propices aux incendies forestiers (combinaison de conditions chaudes, sèches et venteuses), ce qui pourrait entraîner une augmentation du nombre de feux de forêt, en plus d’accroître la superficie brûlée et leur gravité dans de nombreuses régions.

Les espèces de faune et flore « suscitant des préoccupations quant à leur conservation » se comptent par milliers. Le sud de l’Ontario présente l’une des plus fortes concentrations d’espèces en péril au Canada (comme la tortue mouchetée, l’hirondelle rustique et le blaireau d’Amérique), principalement en raison de la perte et de la dégradation de l’habitat. Les espèces envahissantes, qui peuvent perturber les écosystèmes et nuire à la biodiversité, continuent de se propager en Ontario.

Un projet controversé pour un autre

Déjoué d’un côté, l’étalement urbain sur la zone protégée de la Ceinture de verdure fait place à l’avancement d’un autre : la construction de l’autoroute 413 s’étirant sur 59 km, défendue par le gouvernement Ford depuis 2019.

Plan du projet de l’autoroute 413 : 59 km depuis l’autoroute 400, de l’est à Vaughan, à l’ouest, Caledon, Brampton, jusqu’à l’échangeur 401/407 près de Mississauga, de Milton et de Halton Hills. Source : www.highway413.ca

Le 15 avril dernier, le gouvernement fédéral signait un protocole d’entente avec l’Ontario sur le projet d’autoroute 413, sous réserve d’un encadrement environnemental plus exigeant. « L’Ontario s’engage à construire l’infrastructure d’une manière responsable qui réduit au minimum les impacts sur l’environnement. Le Canada et l’Ontario disposent tous deux de régimes de réglementation robustes et transparents pour assurer la protection de l’environnement avant l’élaboration de grands projets », indiquait le communiqué de presse.

« Une autoroute qui va paver l’habitat d’espèces menacées »
— Yannick Beaudoin, directeur changements climatiques et solutions axées sur la nature d’Alinea International

« Une autoroute qui va paver l’habitat d’espèces menacées. Le choix de l’autoroute contre l’environnement en somme », ironise Yannick Beaudoin, directeur changements climatiques et solutions axées sur la nature d’Alinea International, pour qui un compromis environnemental est antithétique avec ce projet.

Aislinn Clancy, leader adjoint des Verts de l’Ontario et députée provinciale de Kitchener-Centre avait quant à elle déclaré que « malgré ces nouvelles décevantes, les Verts de l’Ontario continueront de se battre pour bloquer l’autoroute 413 et proposeront de véritables solutions de logement qui protègent nos fermes, nos forêts et nos zones humides d’un étalement coûteux. »

« L’autoroute 413 est un superchargeur tentaculaire qui coûtera aux Ontariens au moins 10 milliards de dollars et ouvrira plus de 2 000 acres de terres agricoles de premier ordre – tout cela pour faire gagner quelques secondes supplémentaires aux automobilistes. Une fois que cette terre a disparu, elle est définitivement perdue. »

Yannick Beaudoin, directeur changements climatiques et solutions axées sur la nature, Alinea International. Archives ONFR

Autre sujet qui divise, la taxe carbone du gouvernement fédéral, tarification de la pollution par le carbone qui contribuerait à réduire jusqu’à un tiers des émissions au Canada en 2030.

Le 1er avril dernier, le premier ministre ontarien Doug Ford avait fortement critiqué la nouvelle hausse de la taxe fédérale sur le carbone, 15 $ par tonne de carbone. Le premier ministre Justin Trudeau avait déclaré que cette augmentation se traduirait également par des chèques de remise trimestriels plus importants à la population, par le biais de la Remise canadienne sur le carbone (anciennement connue sous le nom de paiements de l’Incitatif à agir pour le climat).

« L’opposition à cette taxe sur le carbone est une approche très capitaliste de la part du gouvernement Ford et c’est devenu un argument politique pour les élections, commente l’environnementaliste Yannick Beaudoin. Selon la Cour suprême du Canada, il s’agit d’un prix sur la pollution, ‘une récompense carbone’, et pas juste une taxe. La communication a été très mal exécutée par le gouvernement fédéral, d’où la mauvaise publicité dont certains s’emparent à des fins politiques, en quelque sorte. Dans les faits, le contribuable reçoit plus d’argent que ce qu’il dépense ».

« Il s’agit d’un outil qui fonctionne, avec lequel il y a eu des résultats, sans lequel la prochaine alternative est une réglementation », conclut-il.  

Quelques avancées

Avec le Règlement interdisant les plastiques à usage unique, le gouvernement du Canada souhaite atteindre un objectif zéro déchet en plastique d’ici à 2030. Sont notamment interdites la fabrication, l’importation et la vente des articles en plastique à usage unique tels que : les sacs, les ustensiles, les récipients alimentaires fabriqués à partir de plastiques problématiques, les anneaux pour l’emballage de boissons, les bâtonnets à mélanger et les pailles. 

L’ajout des « articles manufacturés en plastique » à l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) a été déclaré rétroactivement invalide et illégal par la Cour fédérale le 16 novembre 2023. Mais le 25 janvier 2024, la Cour d’appel fédérale a accordé une requête en sursis bloquant cette décision, interjetée le 8 décembre 2023 par le gouvernement fédéral. L’appel de la décision est ainsi encore en cours.

La province ontarienne s’est fixé comme objectif de réduire les émissions annuelles de gaz à effet de serre de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, ce qui équivaut à 144 millions de tonnes d’émissions d’équivalent en dioxyde de carbone (Mt d’équivalents en CO2) par année.

Des Torontois se mobilisent pour collecter des déchets, comme dans d’autres municipalités ontariennes. Crédit photo : Hôtel de ville de Toronto

Côté énergie, M. Beaudoin souligne des investissements intéressants récents pour prolonger les centres hydroélectriques dans la région du Niagara, un pas vers la capacité à livrer de l’énergie durable et saine. Les efforts qui sont faits pour l’amélioration et l’expansion des réseaux de transports en commun sont pour lui encourageants également.

Le ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs vient d’annoncer l’investissement de 289 000 $ dans trois projets de réhabilitation du bassin versant du lac Simcoe, l’un des lacs intérieurs ontariens, notamment pour concevoir des jardins pluviaux et pollinisateurs et pour utiliser des plantes indigènes pour réduire l’érosion et restaurer les rives.

Côté municipalités, un nettoyage annuel de Toronto a eu lieu durant le week-end et se termine ce lundi, un rassemblement citoyen pour nettoyer les déchets dans les parcs, les plages et autres espaces publics. L’année dernière, plus de 1 000 nettoyages ont eu lieu dans toute la ville et plus de 70 000 résidents et employés de la ville ont participé.

La Ville d’Ottawa organise quant à elle une campagne printanière de grand ménage jusqu’au 3 mai et met à disposition des « trousses de nettoyage », et formulaires d’inscription pour soumissions de projets, dont 788 sont déjà enregistrés.

2024 marque la 51e opération de reboisement de Sudbury. Depuis 1978, plus de 3 500 hectares de terres ont été chaulés et engazonnés et plus de 10 millions d’arbres ont été plantés dans le but de restaurer le paysage et les bassins hydrographiques de la ville du nickel.