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Du symbole à l’icône : le drapeau franco-ontarien en 10 dates

Manifestants à Queen's Park pour des collèges et universités francophone en Ontario, 27 novembre 1992. Photo : CRCCF

Il y a 50 ans, le drapeau franco-ontarien flottait pour la première fois dans le ciel sudburois, prélude à un demi-siècle d’affirmation identitaire et de combats politiques. Voici 10 dates qui ont forgé sa renommée.

1975 : premier lever à Sudbury

En pleine ébullition culturelle et communautaire en Ontario français, le drapeau est hissé pour la première fois le 25 septembre 1975, sur le parvis de l’Université de Sudbury par Michel Dupuis, un étudiant de l’Université Laurentienne.

Derrière sa création, un groupe d’étudiants engagés, fédérés par un chargé de cours bientôt professeur d’histoire : Gaëtan Gervais. Tous sont animés par le désir commun d’affirmer l’identité franco-ontarienne. On y retrouve Michel Dupuis, Yves Tassé, Donald Obonsawin, Normand Rainville et Jacline England qui coudra le premier exemplaire.

Michel Dupuis, étudiant de La Laurentienne, hisse le drapeau franco-ontarien devant l’Université de Sudbury le 25 septembre 1975. Photo : Université de Sudbury

1979 : sur le toit de la résistance

Le drapeau n’est pas immédiatement et uniformément adopté par la communauté à travers la province. L’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) l’adopte en 1977 avant qu’il ne fasse des émules au coeur d’une crise scolaire en 1979. Il est érigé sur le toit de l’École secondaire de la Huronie, à Penetanguishene. Non reconnu par la province qui refuse d’ouvrir une école de langue française dans cette région, l’établissement est rebaptisé École de la résistance.

Au cours de cet épisode majeur dans la conquête des droits des francophones, le drapeau est brandi par les défenseurs de la scolarité francophone durant un conflit qui trouvera son épilogue en 1982, à la suite d’une décision de justice donnant raison à la communauté. 

École secondaire de la Huronie. Photo : Julien Laramée

1997 : étendard de SOS Montfort

Le gouvernement de Mike Harris pensait fermer un hôpital parmi d’autres. Il a au contraire ouvert une brèche et récolté la colère. Le 22 mars 1997, plus de 15 000 Franco-Ontariens manifestent à Ottawa contre la fermeture de l’hôpital Montfort, munis de drapeaux verts et blancs, symboles d’un ralliement nourri par la verve de la militante Gisèle Lalonde. Le Mouvement SOS Montfort est en marche.

Il faut sauver l’unique hôpital francophone de la province. Ce sera bel et bien le cas, deux plus tard, la cour divisionnaire de l’Ontario reconnaissant aux francophones le droit constitutionnel à des institutions essentielles. La cour d’appel ira dans le même sens en 2001, contraignant le gouvernement à abandonner son projet en 2002.

Manifestation pour S.O.S. Montfort dans les rues d’Ottawa. Madeleine Meilleur (ministre déléguée aux Affaires francophones et procureure générale de l’Ontario), Gisèle Lalonde, Mauril Bélanger (député libéral fédéral, Ottawa-Vanier) et Bernard Grandmaître (arrière-plan). Photo : Étienne Morin, Le Droit, 16 mars 1997.

2001 : symbole de la communauté

Le 29 juin 2001, Queen’s Park reconnaît le drapeau franco-ontarien comme emblème officiel des Franco-Ontariens. Un geste hautement symbolique célébré par la communauté comme une victoire : la bannière vert et blanc n’est plus seulement une banderole militante mais un emblème identitaire renforçant la légitimité des francophones et leur sentiment d’appartenance.

À l’origine de la motion : l’ancien député de Glengarry-Prescott-Russell Jean-Marc Lalonde. « Ce projet n’aura aidé qu’à renforcer la présence des francophones aux quatre coins de l’Ontario », dira plus à ONFR l’ancien maire de Rockland.

L’ancien député Jean-Marc Lalonde. Photo : gracieuseté Jean -Marc Lalonde

2006 : dans le ciel sudburois pour toujours

En décembre 2006, tout juste élu maire de Sudbury, John Rodriguez fait flotter d’autorité, et en tout temps, le drapeau franco-ontarien sur la place Tom-Davies, devant l’hôtel de ville, offrant une reconnaissance officielle attendue de longue date par la communauté. Un geste qui contraste avec 2003 lorsque le conseil municipal avait rejeté par sept voix contre cinq une motion de cet ordre.

À l’époque, Jim Gordon s’y était opposé, invoquant le risque de privilégier une communauté au détriment des autres. Ottawa, Embrun, Clarence-Rockland, Timmins, Hearst, North Bay, Windsor, Welland, Hamilton… Nombre de municipalités font flotter ce drapeau en permanence de nos jours.

Lever de drapeau devant l’hôtel de ville. Photo : ACFO du Grand Sudbury

2010 : indissociable du Jour des Franco-Ontariens

En 2010, le gouvernement ontarien proclame le 25 septembre comme le Jour des Franco-Ontariens. Le choix de la date n’est pas anodin. Il coïncide avec le jour du premier lever du drapeau à l’Université de Sudbury en 1975. Adopté à l’unanimité le 26 avril 2010, le projet de loi déposé par la ministre des Affaires francophones de l’époque, Madeleine Meilleur, consacre un peu plus la place du drapeau et son lien intime avec la francophonie.

Avant cette date, la communauté se raccrochait à la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin, fête nationale des Canadiens français, un repère identitaire pour tous les francophones au pays.

Madeleine Meilleur (ici au côté de Bernard Grandmaître au 13e Gala des Prix Bernard-Grandmaître) détient la plus grande longévité à la tête du ministère des Affaires francophones. Photo : Le Droit, 22 février 2013. Photographie d’Étienne Ranger. Université d’Ottawa, CRCCF, Fonds Le Droit – C71, Ph92-120 224-907.

2015 : vedette des 400 ans de présence en Ontario

Sur les traces de Samuel de Champlain qui a silloné en 1615 la rivière des Outaouais et les Grands Lacs, l’Ontario fête 400 ans de présence francophone sur son territoire en 2015. Les célébrations qui allient rassemblements, concerts, activités et expositions se déploient autour d’un élément central : le drapeau franco-ontarien, omniprésent.

Ce dernier est hissé dans de nombreuses municipalités, souvent accompagné de cérémonies officielles. L’année 2015 rappelle alors aux Ontariens leurs racines francophones tout autant que le drapeau vert et blanc en est le symbole incontournable.

Les acteurs sociaux et politiques de la province à Penetanguishene. Photo Archives ONFR/Étienne Fortin-Gauthier

2018 : Jeudi noir, colère verte

Sitôt arrivé au pouvoir, le gouvernement Ford tranche dans le vif dès son premier budget, le 15 novembre 2018, en annulant le projet d’Université de l’Ontario français et en supprimant le poste de Commissaire aux services en français. Les drapeaux franco-ontariens reprennent du service dans une contestation qui réunira près de 14 000 personnes à Ottawa devant le Monument canadien des droits de la personne, et 5000 autres à Sudbury et Toronto. C’est le Jeudi noir de l’Ontario français.

L’UOF sera finalement relancée, financée et inaugurée, tandis que le Commissariat sera rattaché au Bureau de l’ombusdman de l’Ontario.

Les Franco-Ontariens protestent massivement à Ottawa le 1er décembre 2018 contre les coupes Ford. Photo : La Presse canadienne/Patrick Doyle

2020 : érigé au rang d’emblème de l’Ontario

21 septembre 2020, l’Assembbée législative de l’Ontario adopte à l’unanimité le projet de loi 182, faisant du drapeau franco-ontarien un emblème de la province. Il rejoint le trille blanc, le drapeau provincial, le tartan, le huard, le pin blanc, l’améthyste, et les armoiries, grâce à une députée de la majorité conservatrice, Nathalia Kusendova-Bashta.

Dans la foulée, il investira de façon permanente le fronton de Queen’s Park, l’arrière-plan des conférences de presse, les salles de comité, ainsi que la chambre législative au-dessus du siège du président, à la suite d’une motion de la députée Lucille Collard, adoptée elle aussi à l’unanimité.

Les huit symboles officiels de l’Ontario : le trille blanc, le drapeau franco-ontarien, les armoiries, le pin blanc, le drapeau ontarien, l’améthyste, le tartan et le huard. Montage Rudy Chabannes/ONFR

2025 : boucler la boucle et ouvrir la suivante

De Hearst à Windsor et d’Embrun à Welland, des milliers de personnes rejoindront les festivités du Jour des Franco-Ontariens, ce jeudi, que ce soit pour contempler un lever de drapeau, assister à un concert ou encore chanter l’hymne Mon beau drapeau. Sudbury, là où tout a commencé, occupera une place toute particulière.

Un tintamarre devrait rassembler dès ce matin une foule nombreuse entre les universités Laurentienne et de Sudbury, tandis que la fête se poursuivra à la Place des Arts du Grand Sudbury pour une réception de la lieutenante-gouverneure, puis le banquet des Franco-Ontariens – au sein du Collège Boréal – qui chaque célèbre la communauté et dévoile le traditionnel Prix de la francophonie.