Bilan 2020 : encore beaucoup d’attentes pour les langues officielles

Montage Leslie-Anne Leroy, ONFR+

Une fois n’est pas coutume, le dossier des langues officielles s’est taillé une place de choix dans les débats parlementaires, à Ottawa. Le déclin du français et la modernisation de la Loi sur les langues officielles ont suscité de nombreux échanges, même si la COVID-19 a limité les avancées et soulevé des problèmes.

UNE PERSONNALITÉ

Annamie Paul

En devenant la nouvelle chef du Parti vert du Canada, Annamie Paul n’est pas seulement devenue la première femme noire et juive à prendre la tête d’un parti fédéral, elle a aussi suscité un vent d’espoir chez les militants écologistes francophones à travers le pays qui désespéraient de voir leur parti négliger le français.

La nouvelle chef du Parti vert du Canada, Annamie Paul. Gracieuseté Parti vert du Canada

Mme Paul succède ainsi à Elizabeth May qui, après 13 ans à la tête des verts, avait annoncé, juste après les dernières élections, sa démission du poste de chef. Tous les partis représentés à la Chambre des communes disposent désormais d’une chefferie bilingue.

Malgré ce succès auprès des militants, Mme Paul n’a pas réussi à remporter son pari lors des élections partielles de l’automne, échouant à la seconde place dans Toronto-Centre.

UNE DATE

11 décembre 2020

Un peu plus tôt dans l’année, le Parti conservateur du Canada a lui aussi changé de chef. En désignant Erin O’Toole pour succéder à Andrew Scheer, les militants conservateurs ont choisi un candidat à la chefferie bilingue qui a rapidement montré son intérêt pour les langues officielles. Un intérêt déjà démontré durant la course à la direction du parti pendant laquelle il avait été le seul à s’engager sur le sujet.

Le chef du Parti conservateur du Canada, Erin O’Toole. Source : Facebook

Simple calcul politique? Le Parti conservateur a été en première ligne pour réclamer une modernisation de la Loi sur les langues officielles. Jusque dans les dernières journées de travail à la Chambre des communes, les élus conservateurs ont demandé au gouvernement libéral de déposer son projet de loi avant le 11 décembre, afin que les députés puissent commencer à l’étudier.

Une demande qui était aussi celle des organismes de la francophonie canadienne, mais qui n’a pas convaincu le gouvernement de Justin Trudeau de dévoiler ses plans, ouvrant seulement la porte à la présentation d’un Livre blanc sur l’avenir des langues officielles qui devrait être présenté en début d’année 2021.

UN CHIFFRE

1 361

C’est le nombre record de plaintes reçues par le Commissariat aux langues officielles pour 2019-2020. Cela représente une hausse de 25 % en un an.

Et la situation n’est pas prête de s’arranger considérant les manquements observés par le commissaire Raymond Théberge pendant la pandémie. De l’étiquetage unilingue sur les contenants de désinfectants et d’antiseptiques, ainsi que de produits d’entretien vendus au Canada au début de la pandémie, en passant par les difficultés pour les fonctionnaires fédéraux d’utiliser le français au quotidien, sans oublier les ratés en matière de communication pendant la COVID-19 ou le scandale We Charity où la lentille linguistique a été complètement négligée…

Le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge. Gracieuseté Commissariat aux langues officielles du Canada

En octobre, le commissaire a sorti un rapport à la suite des problèmes observés pendant cette pandémie, mais aussi dans toutes les situations de crise.

Cette hausse du nombre de plaintes a un impact direct sur le Commissariat dont le budget commence à être serré pour pouvoir y répondre adéquatement.

UN LIEU

Edmonton

Après l’Université de l’Ontario français en 2019, c’est le nouveau dossier qui secoue la francophonie canadienne.

En mai, l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) lançait une campagne de mobilisation nationale pour sauver le Campus Saint-Jean, la seule institution postsecondaire francophone de la province.

Les restrictions budgétaires aux universités décidées par le gouvernement de Jason Kenney menacent directement l’institution franco-albertaine, fondée en 1908, qui a dû couper plusieurs de ses cours cette année.

Le Campus Saint-Jean. Source : https://medium.com/

Finalement, c’est devant les tribunaux que la cause se jouera puisque l’ACFA a déposé un recours contre l’Université de l’Alberta – dont dépend le Campus Saint-Jean – et le gouvernement provincial, coupables, selon l’organisme porte-parole des Franco-Albertains, de sous-financement chronique.

UNE CITATION

« C’est un moment historique, le legs de la francophonie britanno-colombienne à la francophonie canadienne! »

Après dix ans de bataille judiciaire, les neuf juges de la Cour suprême du Canada ont tranché. En juin, ils ont donné raison au Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSF) et à la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique (FPFCB) qui se battaient contre leur gouvernement provincial à qui il reproche un sous-financement chronique des écoles de langue française, se traduisant par des infrastructures et un transport scolaire insuffisants.

L’un de leurs avocats Mark Power ne pouvait cacher sa satisfaction après le résultat, parlant d’une décision qui donne de nouveaux arguments aux francophones à travers le pays.

L’avocat franco-ontarien, Mark Power. Gracieuseté

« Ce jugement place l’article 23 en haut de la pyramide des libertés fondamentales qui méritent d’être protégées et il sera très difficile pour les provinces d’utiliser l’article 1er en disant que ça coûte trop cher de construire des écoles. C’est un gain spectaculaire pour les communautés francophones qui n’auront plus à toujours craindre ce qui peut arriver. »

Cette victoire s’est accompagnée, quelques semaines plus tard, d’une autre bonne nouvelle dans le dossier de l’éducation francophone en milieu minoritaire, puisqu’après des années à réclamer l’ajout de questions linguistiques au formulaire court obligatoire du recensement pour mieux dénombrer les ayants droit, le gouvernement libéral a entériné ces changements pour l’exercice de 2021.