La verrière de la Cour du jeu de paume du chateau de Villers-Cotterêts. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

PARIS – Au terme de deux jours de sommet, les pays et gouvernements membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se sont quittés dimanche sur des engagements communs très éparpillés, entre mobilité des jeunes, efforts numériques, développement économique et recherche de la paix dans les pays en conflit. Tout autour de ce grand rendez-vous, de nombreux évènements ont fleuri ici et là dans la capitale française durant une semaine.

La délégation ontarienne a sorti sa carte d’affaires

Présents au Village de la Francophonie ainsi qu’au salon de l’innovation FrancoTech, deux nouveautés qui seront pérennisées dans les prochains sommets, des leaders et entrepreneurs franco-ontariens ont fait découvrir leur province aux visiteurs ainsi qu’aux autres délégations francophones issues des cinq continents, en avançant des arguments principalement économiques. En substance : « Venez en Ontario pour entreprendre et accéder à des marchés grâce au bilinguisme. » FrancoTech a permis en outre de discuter avec des interlocuteurs du Cameroun, prochaine destination des Ontariens ce mois-ci, au Salon Afrique-Canada Immigration et Investissement.

Le pavillon de l’Ontario au Village de la Francophonie, au CentQuatre à Paris. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

Aveu d’échec du multilatéralisme et désaccords

Un des moments clés s’est produit en amont du Sommet, à l’issue de l’inauguration du Village. La secrétaire générale Louise Mushikiwabo a fait le constat au micro d’ONFR que le multilatéralisme ne représentait plus la solution pour résoudre les conflits armés. Malgré une déclaration commune, plus tard, de solidarité appelant au cessez-le-feu et le parti pris du président français de stopper les livraisons d’armes à Israël, le premier ministre du Liban a regretté un manque de fermeté et de condamnation. De son côté, le président de la République démocratique du Congo (RDC) a précocement quitté le Sommet, pointant l’absence de mention du conflit dans l’est du pays dans le discours du président Macron.

Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de la Francophonie. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

Ce que contiennent les trois déclarations adoptées

Trois textes ont été adoptés. La Déclaration du Sommet encourage l’entrepreneuriat, l’innovation et l’autonomisation des femmes. Le deuxième texte, la Déclaration de solidarité avec le Liban, appelle à un cessez-le-feu immédiat au Pays du cèdre, une solution diplomatique et l’élection d’un président dans un pays qui en est dépourvu depuis deux ans. Enfin, la Résolution sur les crises dans l’espace francophone énumère une série d’appels à la pacification de plusieurs régions sous tension, telles que l’Arménie, le Burkina Faso, Chypre, le Gabon, la Guinée, la Moldavie, la RDC, Haïti ou encore l’Ukraine.

Les chefs d’État et de gouvernement au moment de la photo protocolaire. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

Des enseignants seront formés au château de Villers-Cotterêts

Rénové puis reconverti en musée dédié à la langue française, théâtre du premier jour du sommet, le château de Villers-Cotterêts a fait sensation. Au moment de l’arrivée des premiers chefs d’État, ONFR a pu accéder en matinée à l’intérieur de ce joyau de la Renaissance. Nous avons accédé aux collections, à la chapelle, aux escaliers du roi et de la reine, ainsi qu’à la réplique de l’ordonnance de Villers-Cotterêts, actant en 1539 le français comme la langue administrative de la France. À l’issue du Sommet, il a été décidé que ce château abriterait, dès 2025, un collège international destiné à former des enseignants de français.

Le chateau de Villers-Cotterêt abrite la Cité internationale de la langue française. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

La Nouvelle-Écosse acquiert le statut d’observateur

Au sortir de l’huis clos des membres permanents, nous apprenions samedi que les chefs d’État et de gouvernements avaient validé la candidature de la Nouvelle-Écosse. « On est une communauté vibrante et avoir notre place à la table de la francophonie internationale est très important », a réagi Colton LeBlanc, ministre des Affaires acadiennes et de la Francophonie, que nous avions rencontré l’été dernier au Conseil des ministres sur la francophonie canadienne. Historiquement le premier établissement français permanent en Amérique, sa province a acquis le statut de membre observateur en même temps que le Chili, l’Angola, la région allemande de la Sarre et la Polynésie française, faisant passer l’OIF de 88 à 93 membres.

Colton LeBlanc, ministre des Affaires acadiennes et de la Francophonie de la Nouvelle-Écosse, dans le Grand Palais, à Paris. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

Le Cambodge, hôte du 20e Sommet

La candidature du Cambodge comme pays hôte de la 20e édition a été officialisée en fin de sommet. Ce sera la deuxième expérience asiatique après le Vietnam (1997). Le roi du Cambodge Norodom Sihamoni a déclaré vouloir « partager avec les autres mondes francophones les singularités de la francophonie en Asie-Pacifique ».

« C’est un immense honneur », s’est réjoui pour sa part le vice-premier ministre cambodgien Sok Chenda Sophea. Membre de l’OIF depuis 1991, ce royaume compte 3 % de francophones. Aux 19e et 20e siècles, il faisait partie de l’Indochine et le français y était une langue d’enseignement jusqu’au milieu des années 1970. Aujourd’hui, c’est essentiellement une langue d’élite parlée dans la capitale Phnom Penh.

Le vice-premier ministre cambodgien Sok Chenda Sophea aux côtés de la secrétaire générale Louise Mushikiwabo. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

Trois nouveautés pour la jeunesse

Placé sous le thème Créer, innover et entreprendre en français, le Sommet de la Francophonie a débouché sur trois mesures touchant à la mobilité et l’emploi des jeunes. Tout d’abord, la création du programme international Mobilité Employabilité francophone, qui doit permettre aux jeunes de voyager plus facilement à travers le réseau des 1100 universités et centres de recherche de l’Agence universitaire de la francophonie, situés dans 120 pays. Ensuite, la facilitation de l’octroi de visas pour les titulaires d’un diplôme français de niveau M2 (l’équivalent d’une maîtrise universitaire). Et enfin, la création du programme Volontaires Unis pour la Francophonie, pour participer à des missions internationales de plusieurs mois.

Le président français Emmanuel Macron (ici à FrancoTech jeudi dernier) a salué la facilitation de l’octroi de visas pour les titulaires de maitrise. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

L’appel de Villers-Cotterêts face aux enjeux du numérique

En matière de numérique, les chefs d’État ont lancé un appel aux grandes plateformes numériques (Meta, TikTok, X) à s’engager sur une plus grande transparence et proximité pour les francophones, une plus grande responsabilité dans la modération des contenus, des espaces informationnels mieux protégés et une plus grande diversité culturelle et linguistique. Le Sommet de la Francophonie a par ailleurs accouché d’un Centre de référence pour l’intelligence artificielle (IA) et la francophonie. Nommé LANG :IA, il doit favoriser la disponibilité des contenus en français et alimenter de contenus des modèles de langage géant dont se nourrit l’IA.

La Cour des offices du château de Villers-Cotterêts. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

Les Canadiens tissés serrés à l’ambassade du Canada

Dès l’avant-veille du Sommet, les délégations néo-brunswickoise et ontarienne ont été reçues à l’ambassade du Canada à Paris. Un moment de fraternité et de solidarité autour de l’ambassadeur Stéphane Dion, de la ministre des Affaires francophones de l’Ontario Caroline Mulroney et du sous-ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance du Nouveau-Brunswick, Ryan Donaghy. Étaient aussi présents des membres d’autres délégations comme celle de la Louisiane. L’adhésion (encore non acquise à ce moment-là) de la Nouvelle-Écosse était sur toutes les lèvres.

À droite, Richard Kempler, directeur général de la FGA, le sous-ministre Donaghy, la ministre Mulroney et l’ambassadeur du Canada à Paris, Stéphane Dion. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes

Une riche programmation culturelle

La Cap-Verdienne Ronisia, la Béninoise Angélique Kidjo, le Belge Pierre de Maere… De nombreux artistes se sont succédé en divers lieux de la capitale, particulièrement à la Gaité lyrique. Le théâtre parisien du troisième arrondissement n’a cependant jamais vraiment fait salle comble, en dépit de la riche programmation. Des artistes franco-ontariens se sont aussi illustrés dans d’autres lieux du Festival de la Francophonie, à l’image des Rats d’Swompe et du Torontois Abel Maxwell au Village de la Francophonie. C’est ici aussi que le conteur Eudes Laroche-Francoeur a plongé le public dans son univers imaginaire, au milieu d’un agenda au rythme effréné de projections, d’ateliers et de performances liées à la langue française.

Ronisia, chanteuse afropop cap-verdienne qui monte en puissance en France. Photo : ONFR/TFO/Rudy Chabannes