Le français mieux respecté à Air Canada qu’au gouvernement fédéral

Le Parlement fédéral. Archives ONFR+

OTTAWA – La haute fonction publique et divers ministères du gouvernement fédéral obtiennent une pire note de passage pour le respect des droits des langues officielles que le transporteur Air Canada.

C’est ce que révèlent des données du Commissariat aux langues officielles (CLO) pour l’année 2021-2022. Près de la moitié, soit 43 %, des recommandations effectuées par le CLO faites en réponse aux lacunes cernées par le biais des rapports de vérification et d’enquête ont été ignorées par les institutions fédérales. Reconnue pour transgresser de manière répétitive la Loi sur les langues officielles, la compagnie Air Canada est dépassée par six agences fédérales au haut de l’échelle des mauvais élèves qui ne respectent pas les recommandations du CLO.

Parmi celles-ci, on peut notamment retrouver au premier rang, le Bureau du Conseil privé, chargé de conseiller le premier ministre, le cabinet du gouvernement en plus de coordonner le travail des ministères et agences du gouvernement fédéral. Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi que Transports Canada sont les deux autres agences, avec le Bureau du Conseil privé, qui n’ont mis aucune recommandation du CLO en application.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), l’Agence des services frontaliers du Canada et Service correctionnel du Canada sont les trois autres instances pires qu’Air Canada, proportionnellement, en matière de respect des recommandations des langues officielles. À eux seuls, ces six agences comptabilisent 40 recommandations ignorées contre 10 appliquées, un taux de conversion de 25 %.

Six agences fédérales dépassent Air Canada sur la proportion de recommandations du CLO mises en oeuvre. Source : Commissariat aux langues officielles.

Air Canada pointe au septième rang de ce classement avec 18 recommandations du CLO partiellement (15) ou entièrement (3) mises en œuvre contre 17 non appliquées, pour une proportion de 51 %.

« Manque de leadership du gouvernement »

Air Canada se retrouve depuis plusieurs années sous les feux des critiques des différents commissaires aux langues officielles pour ces nombreux manquements aux droits linguistiques des voyageurs. Un des prédécesseurs de Raymond Théberge, Graham Fraser, avait même consacré un rapport spécial au transporteur aérien. C’est aussi sans compter la saga autour de l’unilinguisme et le discours seulement en anglais de son président Michael Rousseau qui avait généré 2 680 plaintes.

Le président d'Air Canada Michael Rousseau lors de sa comparution devant les parlementaires à Ottawa
Le président d’Air Canada Michael Rousseau lors de sa comparution devant les parlementaires à Ottawa en mars dernier. Capture d’écran ParlVu.

À la suite de cet événement, le gouvernement Trudeau était monté au créneau pour dénoncer le discours de Michael Rousseau. La vice-première ministre Chrystia Freeland avait remis en question « la qualité de la gouvernance exercée par le conseil d’administration d’Air Canada ». Pour le NPD, ça démontre « qu’en réalité, le gouvernement fédéral est encore pire pour respecter les droits des francophones » que le transporteur aérien.

« Ça reflète le manque de leadership du gouvernement. Ils (les libéraux) aiment partager de belles paroles, qu’ils sont préoccupés par le recul du français, mais ils ne font pas grand-chose en même temps », dénonce la députée néo-démocrate Niki Ashton.

La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor avance que les chiffres dénotent une tendance « inquiétante ». En entrevue, elle convient que ça démontre une problématique au niveau de la culture du respect du français dans certaines instances fédérales.

« Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership et on doit montrer l’exemple », répète-t-elle.

Le projet de loi C-13 viendrait toutefois changer en partie la situation, avance-t-elle. Dans cette mouture, Raymond Théberge aurait désormais le pouvoir de conclure des accords de conformité avec les institutions fédérales en plus d’imposer des amendes monétaires, à la hauteur de 25 000 dollars, aux entreprises fautives.

« Si on veut s’assurer que la Loi sur les langues officielles est respectée, on doit s’assurer que le chien de garde ait les outils nécessaires pour faire son travail. »

Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles. Gracieuseté.
Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles. Gracieuseté.

Mais pour l’opposition officielle, C-13 dans sa forme actuelle n’est pas suffisant. Les chiffres démontrent plutôt l’importance d’avoir une réelle agence centrale chargée de mettre en œuvre la Loi sur les langues officielles dans C-13, soutient l’élu conservateur Joël Godin.

« L’intention n’est pas là dans ce gouvernement actuel et c’est pour ça qu’il faut renforcer C-13 pour permettre au Conseil du Trésor d’être l’agence centrale chargée de redescendre dans la machine et imposer des résultats aux autres ministères. »

Malgré des demandes d’entrevues, la présidente du Conseil du Trésor Mona Fortier n’était pas disponible pour répondre à nos questions.

Pour le Bloc Québécois, le gouvernement Trudeau doit envoyer « un signal à ses ministères, de respecter la Loi sur les langues officielles et les recommandations du commissaire aux langues officielles ».

« C’est un autre exemple du manque de volonté du gouvernement libéral. Le gouvernement a le pouvoir d’agir et de démontrer qu’il n’a pas juste de bonnes intentions », avance le député Mario Beaulieu.