La fin des programmes en français serait un désastre pour La Laurentienne, selon son recteur
SUDBURY – Le transfert de tous les programmes en français de La Laurentienne vers l’Université de Sudbury sonnerait le début de la fin pour La Laurentienne, avertit son recteur, Robert Haché. Plusieurs membres de la communauté franco-ontarienne demandent le transfert des programmes en français vers l’Université de Sudbury pour que celle-ci puisse devenir entièrement francophone.
Il faut rappeler que cette demande s’est faite quelques jours après que l’institution de Sudbury ait supprimé 69 programmes, dont 28 en français. Il reste aujourd’hui 32 programmes de premier et second cycles en français, 69 en anglais pour un total de 101, selon le site de l’établissement.
« Le succès de l’Université Laurentienne repose sur tous les programmes qui sortent de la restructuration. Si on transfère un autre 25 % de nos programmes, notre université va échouer. Il y a des conséquences à tout ça », prévient Robert Haché en référence aux programmes en français.
Pour ce dernier, ce genre d’opération dont rêvent certains membres de la communauté franco-ontarienne n’est pas crédible.
« Ce n’est pas possible. La façon dont on le dit est très simple, mais c’est loin d’être si simple que ça. Les programmes en français de l’Université Laurentienne vont continuer d’être offerts à travers l’université. Ce n’est pas une possibilité de le transférer », tranche-t-il dans un long entretien avec ONFR+.
Pourtant, plusieurs experts en droit ont déjà affirmé que le tout serait possible. Le gouvernement pourrait notamment forcer la main de l’établissement au niveau financier ou en modifiant la loi de l’Université de Sudbury et celle de l’Université Laurentienne.
« Les programmes offerts à l’université sont approuvés seulement pour être offerts par l’université et la propriété intellectuelle des cours individuels reste avec les professeurs pour les cours en personne », martèle le recteur. « La situation est très complexe. Ce n’est pas aussi évident qu’un transfert de programmes de l’Université Laurentienne à l’Université de Sudbury. »
De l’attention politique
Le dossier du postsecondaire a resurgi dans la campagne électorale avec la visite de Jagmeet Singh et de Justin Trudeau à l’Université de Sudbury. Les libéraux et conservateurs ont récemment appuyé un projet universitaire par et pour les francophones dans le Nord.
Le chef libéral a d’ailleurs annoncé qu’il doublerait le financement à l’éducation postsecondaire en milieu minoritaire s’il est réélu. M. Haché n’a pas vu cette visite de celui qui vise un troisième mandat comme nécessairement un appui au projet de l’ancienne université fédérée.
« Je vois qu’ils (les libéraux) ont exprimé du soutien pour l’éducation en français en situation minoritaire et il y a plusieurs façons de livrer cette éducation, incluant une université bilingue. »
Ce dernier indique que, peu importe son identité, il fera la demande au prochain gouvernement fédéral pour obtenir de l’argent en vertu du Programmes d’appui aux langues officielles. Cette décision pourrait bien révéler vers qui le prochain gouvernement fédéral accordera sa confiance universitaire à Sudbury. La ministre sortante des Langues officielles Mélanie Joly a déjà promis 5 millions de dollars à l’Université de Sudbury.
M. Haché s’attend à ce que l’argent soit accordé à son établissement. Qu’arriverait-il si ce ne lui est pas offert?
« C’est hypothétique comme question. Mais l’application qu’on est en train de développer va supporter toute la programmation qu’on offre en français et une amélioration des programmes qu’on offre en ligne, on a des plans pour ça. C’est quelque chose qui va supporter l’éducation en français dans le Nord de l’Ontario. C’est important pour le futur de l’éducation en français (…). La Laurentienne a un rôle important pour soutenir l’éducation en français en Ontario. »
Selon des chiffres du gouvernement de l’Ontario qu’a obtenu ONFR+, l’Université Laurentienne a touché 1,1 million de dollars en 2019-2020 en provenance du gouvernement fédéral.
Des documents de la Cour prouvent qu’elle a déjà utilisé de l’argent destiné aux chercheurs pour pouvoir payer ses factures. Comment s’assurer que l’argent destiné aux programmes en français n’a pas servi à payer d’autres choses?
« L’argent dirigé pour subventionner les programmes en français a été dirigé pour supporter les programmes en français », affirme Robert Haché.
« Le nombre d’étudiants dans certains des programmes en français aujourd’hui est moindre que celui des étudiants dans un programme anglophone qui ont été supprimés, car on sait qu’on a certains fonds qui sont là pour subventionner le français en situation minoritaire. Ç’a été considéré. »
Une confiance à rebâtir
Le recteur ne se le cache pas, les actions de son établissement les derniers mois ont choqué la communauté franco-ontarienne.
« On reconnaît que ça été une grosse déception pour la communauté qu’on doit surmonter (…). Le service qu’on offre aux étudiants de la communauté francophone n’a pas changé, mais je reconnais absolument qu’on a une confiance à rebâtir. »
Il maintient toutefois que La Laurentienne possède encore des appuis au sein de la communauté francophone.
« On est à un stade dans le processus où on continue à travailler avec beaucoup de gens dans la communauté francophone incluant les conseils scolaires, etc. On a des conversations. Bien sûr, il y a beaucoup de passion autour du sujet. On ne va pas être capable de tourner la page en une journée. (…) Ça serait facile de se cacher derrière une roche, mais on ne peut pas faire ça, car on a quelque chose à offrir à la communauté. »
Questionné à plusieurs reprises par ONFR+ sur les appuis qu’il affirme avoir au sein de la francophonie ontarienne, Robert Haché dit qu’ils sont « un peu partout » en désignant les étudiants.
« Quand je vois des étudiants dans nos programmes, je vois ça comme du soutien parce qu’ils choisissent de venir à La Laurentienne et on continue à leur offrir des programmes de première classe pour leur carrière. »
Pourtant, certains appuis ne sont pas compatibles avec la vision par et pour les francophones de membres de la communauté, comme celle de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).
« L’AFO a son agenda d’avoir une université francophone. Nous, nous ne sommes pas alignés avec leur mandat. On veut offrir une programmation en français et en anglais dans une situation bilingue. Ce n’est pas aligné avec le mandat politique de l’AFO. À un moment donné, on peut seulement procéder avec ce que l’on peut offrir. »