En février, la municipalité de Greenstone a modifié son protocole sur les drapeaux. Le drapeau frano-ontarien ne flottera plus de façon permanente à l'hôtel de ville. Source : Wikipedia

GREENSTONE –  Une solution de sociofinancement proposée par l’Association des francophones du Nord-Ouest de l’Ontario (AFNOO) qui proposait de prendre à sa charge l’achat de deux mâts n’a pas été retenue lundi soir à Greenstone. Le conseil municipal a plutôt opté pour la commande d’un rapport, lequel étudiera des options possibles pour reconnaître les peuples francophones et autochtones.

Après avoir remercié l’ensemble des conseillers pour la discussion animée du précédent conseil, la conseillère Vicky Budge, a reconnu qu’il manquait certains éléments de contexte pour permettre d’avancer vers une solution et a alors rappelé l’importance reconnue par la province du drapeau franco-ontarien, lequel flottait à Greenstone jusqu’au 11 février dernier

Celle qui est à l’origine du point de discussion pour l’avis de motion a alors évoqué une proposition amenée par l’AFNOO, soit l’achat de deux mâts pour faire flotter le drapeau franco-ontarien à Geraldton et à Longlac. Il s’agirait de deux mâts communautaires sur lesquels pourraient également flotter d’autres drapeaux comme ceux des Premières Nations. 

Comme en mars dernier, des francophones ont fait le déplacement pour le conseil du 8 avril. Gracieuseté

« La communauté francophone se chargerait de la collecte des fonds pour acheter deux mâts dédiés et, en contrepartie, le drapeau franco-ontarien volerait en permanence », a-t-elle déclaré soutenant que ce serait une solution profitable pour la municipalité. Le maire James McPherson est alors intervenu pour demander à ce qu’aucune solution ne soit déterminée, mais plutôt d’établir la marche vers un dispositif évoquant plusieurs options.

La motion initiale proposée par la conseillère indiquant une volonté de réinstaller le drapeau franco-ontarien par le procédé évoqué n’a pas été acceptée par Mark Wright, directeur administratif de la ville, au motif qu’elle serait directionnelle et que cela contrevient à la législation municipale sur les points de discussion.

« Je me demande s’ils espèrent qu’on va oublier, mais en attendant le manque d’action blesse les francophones »
— Claudette Gleeson

Après un amendement proposé par le maire, c’est finalement une motion pour la commande d’un rapport qui sera produit en juin afin d’étudier les options pour reconnaître autochtones et francophones, qui a été adoptée par les membres sans toutefois indiquer de date précise. Seuls les conseillers francophones Alan Ouellet et Vicky Budge ont voté contre.

Déception et incompréhension à l’AFNOO

Contactée après le conseil, l’AFNOO s’est dite déçue et ne pas comprendre pourquoi le conseil municipal a opté pour une motion avec une formulation aussi générale. 

« On va donner le contrôle à la municipalité. On a même dit que, s’il le faut, on va changer le niveau du drapeau pour être en dessous des Premières Nations pendant un moment mais ce qu’on veut, c’est clair, c’est être là de manière permanente », a fait savoir la présidente de l’AFNOO, Claudette Gleeson.

Cette dernière considère que le fait de repousser l’échéance d’une décision constitue, en soi, un obstacle au rétablissement du drapeau.

« Je me demande s’ils espèrent qu’on va oublier, mais en attendant le manque d’action blesse les francophones », a-t-elle confié en ajoutant qu’il va y a avoir des discussions auprès de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et possiblement des députés provinciaux afin d’établir une stratégie d’avancement.

Claudette Gleeson se dit rassurée que les choses évoluent mais pas assez vite. Crédit image : Inès Rebei

Consultation des Premières Nations

Au cours de la discussion, Mark Wright avait questionné le fait que, dans la motion initiale, Vicky Budge avait évoqué la discussion avec l’AFNOO mais pas avec les Premières Nations, ce à quoi elle avait rétorqué qu’elle était absolument ouverte à recueillir leur opinion. 

« Je trouve ça embarrassant. On nous examine de très près. La province regarde, beaucoup de groupes nous regardent »
— Vicky Budge, conseillère municipale

Celui-ci a alors répondu qu’« il n’y avait pas eu de consultation lorsque la décision de faire flotter le drapeau franco-ontarien avait été prise » à l’origine, et que le fait de spécifier une discussion avec un groupe communautaire en particulier peut-être considéré comme exclusif vis-à-vis d’un autre, appuyé par le maire. Il ajoute qu’il faudrait toutefois éviter d’ajouter une pression supplémentaire auprès des Premières Nations, lesquelles auraient, selon lui, déjà exprimé leur opinion en amont de la décision du 11 février.

La conseillère Budge n’a pas caché son amertume et, pour la première fois depuis la controverse, a tenu à parler d’un point de vue personnel. 

« J’ai vraiment du mal à accepter que le fait que le drapeau franco-ontarien soit enlevé puisse faire partie de la réconciliation. Je suis une membre de Première Nation, je suis francophone et je suis fière d’être les deux », a-t-elle confié avec émotion.

Et d’ajouter : « Je ne vois pas en quoi le fait d’enlever une minorité à un autre groupe minoritaire serait équitable. Je trouve ça embarrassant. On nous examine de très près. La province regarde, beaucoup de groupes nous regardent. »

La conseillère Vicky Budge a fait référence au fait que Greenstone était considérée comme un exemple d’ouverture à la francophonie inspirant d’autres municipalités comme Sault Ste. Marie par exemple. Source : Municipalité de Greenstone

En fin de discussion, le directeur a invité à étudier d’autres options que de faire flotter un drapeau, en rappelant que la logique ayant motivé la nouvelle politique étant que « si on fait flotter un drapeau pour un groupe, on doit le faire pour tous les autres » et ce partout dans les collectivités de Greenstone, ce qui reviendrait, selon lui, à avoir plus de huit mâts pour un coût de plus de 15 000 $ à chaque endroit.

Le conseil toujours divisé

Pendant la discussion précédant la décision de motion, la conseillère Claudette Trottier s’était montrée ouverte devant la proposition de Mme Budge et a rappelé que le problème de coût de maintenance de l’ancien mât était une des raisons qui avait poussé le conseil à retirer celui sur lequel flottait le drapeau franco-ontarien.

« Les francophones sont arrivés seulement après les années 60 avec le développement de l’industrie forestière mais il y avait toujours les Premières Nations »
— Chris Walterson

Le conseiller francophone Allan Ouellet, qui s’est excusé d’avoir du mal à cacher son émotion durant le débat, a lui aussi salué cette solution qui pourrait permettre « rectifier le tord » de la décision du 11 février. 

« Vous savez, une simple recherche sur Google du drapeau franco-ontarien aujourd’hui vous montrera l’ampleur de la couverture médiatique qui est autour de cela en ce moment », a-t-il lâché, tout en regrettant l’impact à long terme sur la réputation de la ville.

De son côté, le conseiller Chris Walterson s’est basé sur son expérience personnelle pour témoigner son désaccord. Il a évoqué le fait que dans sa classe, lorsqu’il était élève, il y avait des enfants d’origine japonaise, italienne, allemande et des Premières Nations.

Selon lui, « les francophones sont arrivés seulement après les années 60 avec le développement de l’industrie forestière mais il y avait toujours les Premières Nations dans ma classe et dans la ville ». C’est alors qu’il a conté une anecdote personnelle. Lorsqu’il était au restaurant avec un ami et qu’ils faisaient la file pour payer, ce dernier aurait lancé, possiblement sur le ton de la blague, à une femme autochtone visiblement pressée : « L’homme blanc d’abord. »

Le conseiller de Geraldton, Chris Walterson avait déjà été très vocal sur son opposition au rétablissement du drapeau à la municipalité lors des précédents conseils. Source : municipalité de Greenstone

Et d’ajouter : « J’essaie de me demander combien de fois elle a vu ça dans sa vie? Et quand elle traversera le pont et verra un drapeau qui pourrait avoir été payé par un tas d’autres personnes, je pense qu’elle verra d’abord l’homme blanc et c’est ça qui est triste. »

« J’aimerais vraiment voir un drapeau français hissé au club français, c’est ce que j’aimerais voir », a alors terminé le conseiller à la retraite.