Poilievre pourrait s’attaquer aux droits constitutionnels des francophones, suggère Boissonnault

OTTAWA – Le chef conservateur Pierre Poilievre pourrait utiliser la clause dérogatoire pour briser les droits constitutionnels des minorités francophones au pays, a insinué le ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault, dans un discours aux allures préélectorales.
Devant une centaine de membres de la francophonie ontarienne, le ministre des Langues officielles a prononcé une allocution où il a mis en garde les délégués franco-ontariens contre « les risques » d’un gouvernement Poilievre concernant le fait français au Canada.
« Vous savez ce qui me garde éveillé le soir, ce n’est pas seulement la francophonie… C’est la Charte des droits et libertés de Pierre Poilievre », a lancé le ministre franco-albertain jeudi soir au congrès de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), où étaient présents certains de ses collègues libéraux.
Son discours d’une dizaine de minutes, apolitique jusque-là et qui vantait les mérites de la francophonie ontarienne et canadienne, s’est vite transformé en tirade contre la formation conservatrice et son chef.
Selon le politicien libéral, Pierre Poilievre « sort la Charte, la met sur le mur, sort un gros feutre et il met de gros X sur la Charte des droits et libertés », a-t-il lancé.
« Est-ce que ce sont vos droits, Marie-France (Lalonde)? Est-ce que ce sont vos droits, Madeleine (Meilleure)? a-t-il adressé aux deux politiciennes franco-ontariennes. Est-ce que ce sont vos droits ou mes droits comme personne LGBTQ+? », a-t-il ajouté.
« Il (Pierre Poilievre) a déjà dit qu’il va utiliser la clause nonobstant pour changer les lois qu’on favorise ici au pays, est-ce que ce sont les droits des autochtones? Est-ce que ce sont les droits des francophones? Les élections sont des choix », a-t-il envoyé comme message.

L’article 33 de la Charte, la clause dérogatoire, permet aux gouvernements d’exempter leurs lois de certains articles de la Charte. Or, il serait impossible pour tout gouvernement, fédéral ou provincial, d’utiliser la clause nonobstant pour les articles 16 à 23 de la Charte, car celle-ci ne s’applique pas à ces articles, qui traitent de droits linguistiques.
Les conservateurs accusent le ministre albertain de faire de « la petite politique » et de détourner l’attention de « ses problèmes éthiques ».
« Les langues officielles ne devraient pas être mêlées à ça, car elles sont au cœur de notre identité canadienne », indique le porte-parole conservateur en matière de Langues officielles, Joël Godin.
« Les conservateurs du Canada sont clairs : nous allons agir concrètement pour freiner le déclin du français au Canada. Un futur gouvernement conservateur fera les investissements nécessaires pour soutenir la vitalité des communautés francophones du Canada. Chaque dollar sera orienté vers des actions concrètes, et non pour gonfler la bureaucratie à Ottawa », ajoute l’élu de l’opposition officielle.
Élections à l’horizon
Le ministre Boissonnault était attendu de pied ferme par les organismes francophones de la province, qui clament être sous-financés par le fédéral. Ottawa a promis, dans le cadre de son Plan d’action pour les langues officielles, une bonification de 12,5% de leur financement et le ministre a assuré que « les deuxièmes (rondes de) chèques arrivent ».
Alors que des rumeurs d’élections planent au-dessus du Parlement depuis la fin de l’entente entre le NPD et les libéraux en septembre, Randy Boissonnault n’est pas passé par quatre chemins. Il a envoyé son message aux membres des organismes franco-ontariens qu’« en 2025, on va avoir un choix », attaquant du même coup le financement envoyé aux minorités francophones du pays sous Stephen Harper dans le passé.
« Oublions le plan d’action 2029 et 2033. Pensez à un futur avec un ministre des langues officielles comme Joël Godin ou d’autres qui n’ont jamais fait leur part pour défendre la francophonie canadienne », critique-t-il.
« Moi, Marie-France (Lalonde), Mona (Fortier) et d’autres, on va continuer à défendre le fait français ici en Ontario, en Alberta, en Saskatchewan, au Nord, à Terre-Neuve-et-Labrador et à travers le Canada », insiste-t-il.
Attaquant la marque conservatrice, il a fait un parallèle avec le gouvernement de Doug Ford en Ontario, soutenant le peu d’aide qu’offrent les progressistes-conservateurs provinciaux aux francophones de l’Ontario.
« Je dois transiger avec Mme (Caroline) Mulroney souvent. C’est toute une gang qui va essayer de chercher vos votes et en livraison, c’est comme un paquet d’Amazon avec rien dedans », a-t-il imagé.