L'ailier droit des Sénateurs d'Ottawa Claude Giroux (28) célèbre un but avec ses coéquipiers dans un match de LNH contre les Blue Jackets de Columbus en mars dernier, Crédit image : AP/Jeff Dean

OTTAWA – Alors que les partisans des Maple Leafs, éliminés en sept manches par Boston, ont vu se confirmer leurs craintes de vivre une nouvelle désillusion au premier tour des séries, ceux des Sénateurs sont déjà en vacances depuis le 16 avril, date de la fin de la saison régulière. Après une septième saison sans série, l’heure est au bilan avec le spécialiste de hockey franco-ontarien et partisan inconditionnel de la franchise d’Ottawa, Jean-Philippe Forgues. 

Les temps sont durs pour les partisans des Sénateurs d’Ottawa en Ligue nationale de hockey. La franchise du nouveau propriétaire Michael Andlauer, qui a repris l’équipe au début de la saison, après la vente de celle-ci suite au décès de l’ancien propriétaire Eugène Melnyk, a connu une saison mouvementée. 

Tout a commencé avec le renvoi du directeur général franco-ontarien Pierre Dorion qui a payé sa mauvaise gestion de l’équipe. Puis, c’est ensuite l’entraîneur en chef DJ Smith qui a été remercié en raison de son mauvais début de saison, remplacé par l’expérimenté Jacques Martin

Toutes les statistiques en baisse

Malgré ces mouvements, la franchise suivie de très près par Jean-Philippe Forgues et son équipe du balado La Brigade, n’a pas réussi une saison convaincante sur le plan sportif avec un bilan de 78 points, soit le troisième plus mauvais de la conférence Est.

« Non seulement c’est une saison sans série, mais aussi et surtout c’était une saison où les partisans avaient le droit d’avoir des attentes de se qualifier pour les séries ou au moins en être proche et se battre jusqu’à la fin, confie Jean-Philippe Forgues. Cela n’a pas été le cas. Si on compare les statistiques de cette saison avec celles de la saison dernière, dans toutes, l’équipe a fait un pas en arrière. » 

Une saison qu’il qualifie de « bizarre » au cours de laquelle une rupture entre l’équipe et ses partisans s’est créée. « J’ai eu l’impression, au fil de la saison, que la frustration est devenue du détachement chez les partisans. Et ça, ça devient dangereux car s’ils commencent à se dire ‘C’est toujours la même chose qui se produit et qu’on revit depuis trois ans’, là c’est plus difficile. » 

Des changements et une instabilité

Le spécialiste explique cette saison ratée par la transition nécessaire entre la gestion de Pierre Dorion « qui a précipité la reconstruction sur ses dernières années » et son successeur Steve Staios. Ce dernier a essayé de commencer à « faire le ménage » dans l’effectif des Sénateurs.

« (Sous Pierre Dorion) Il y a des joueurs qui ont été acquis, des vétérans, qui n’ont pas livré la marchandise. Ce n’est pas normal qu’on fasse une reconstruction, qu’on ‘brûle la maison au complet’ et qu’on dise aux jeunes ‘ben là relevez vous tout seuls’. On ne les a jamais encadrés avec des vétérans de qualité. Si on regarde des joueurs comme Brady Tkachuk qui en est à sa sixième saison, il n’a jamais été proche de participer aux séries. »

L’ancien entraîneur DJ Smith, remplacé en cours de saison, a également sa part de responsabilité selon le spécialiste franco-ontarien. Il pointe du doigt une sorte de culture de la défaite qui s’est installée dans le vestiaire en raison d’un technicien « peu porté sur les détails ». 

Un effectif en question

Le retour aux affaires de l’expérimenté Jacques Martin aura permis de redresser la barre, au moins au niveau de l’attitude. 

« Dès son arrivée, il a dit publiquement que des joueurs dans ce vestiaire devaient se regarder dans le miroir. Le problème, c’est qu’avec Pierre Dorion, on avait des joueurs qu’il avait signés et pour lesquels il avait transigé. Steve Staios est arrivé sans aucune relation avec personne. S’il décide de faire le ménage, ça va être plus facile. »

Autre problème majeur pointé du doigt, la construction de la défense n’a pas été à la hauteur cette saison et le niveau du gardien de but titulaire Joonas Korpisalo pose question. 

« Il a signé pour cinq saisons, pourtant c’est un gardien qui n’a jamais montré qu’il pouvait être un numéro 1 dans la LNH. Il a eu des bons moments ici et là, mais c’est un peu un pari et on doit faire avec pour les quatre prochaines années. »

« La défense aussi a des soucis. Ce dont on a besoin, c’est d’un vrai défenseur capable de défendre le filet et de cogner fort. Ce sont toutes des choses comme ça que je pense que Steve Staios va devoir réévaluer. »

Steve Staios et Jacques Martin vont travailler main dans la main pour construire l’équipe pour la saison prochaine. Le Franco-Ontarien a été confirmé en tant que conseiller au sein de la franchise pour la saison prochaine. Le grand chantier de l’été sera de lui trouver un successeur en tant qu’entraîneur en chef s’inscrivant dans la continuité de son travail avec l’équipe depuis décembre. 

« Staios doit remodeler l’équipe à son image : il doit reconsidérer qui fait partie du noyau dur de son équipe et commencer à partir de là. Il y a probablement des joueurs qui doivent partir. »

La satisfaction Claude Giroux

Parmi les joueurs qui devraient rester à coup sûr et qui font figure de grande satisfaction de la saison, la vedette locale Claude Giroux fait l’unanimité chez les partisans francophones. 

« C’est difficile de parler en mal de Claude Giroux. C’est quand même un favori du public, un gars de la région. C’est le vétéran parfait pour cette équipe. On s’est même demandé pendant l’année si ce n’était pas lui le vrai capitaine de cette équipe. »

« Et puis Giroux, il doit avoir quelque chose comme 36 ans, c’est beaucoup demander à un athlète comme ça. Il n’a jamais arrêté, il s’est toujours donné à 110 %. Pour Claude Giroux, je veux voir une prolongation de contrat. »

Signé pour trois ans l’année dernière, le natif de Hearst sera la saison prochaine dans sa dernière année de contrat. En cas de nouvelle saison décevante, la question se pose de savoir s’il ne cherchera pas à quitter les Senateurs pour rejoindre un concurrent à la Coupe Stanley, afin d’essayer de remporter ce trophée qu’il n’a jamais soulevé. Jean-Philippe Forgues effleure cette possibilité, mais ne veut pas y penser.

« On ne va pas commencer à imaginer ça pour Claude Giroux, car sinon on va commencer à être triste. »

Lien avec les francophones renoué

Autre point positif du changement de propriétaire en début de saison 2023-24, c’est le retour d’un intérêt de la franchise envers ses partisans francophones, longtemps ignorés par le propriétaire précédent. 

« Avec M. Melnyk, ça a été très peu mis en avant. Les francophones n’ont pas eu grand-chose. Dès son arrivée, M. Andlauer a dit que cette équipe-là appartient aux partisans d’Ottawa et de Gatineau. Cette année l’équipe a lancé la vente de billets pour la saison prochaine en anglais et en français, une chose qu’on n’avait pas vue depuis au moins cinq ans. » 

De quoi donner de l’espoir d’un point de vue relationnel. Du côté sportif, en revanche, les partisans francophones sont partagés en deux camps. 

« Certains, comme mon collègue au podcast Eric Fortin, pensent que l’année prochaine, ce sont les séries ou rien. Moi, je me permets d’être un peu plus patient. Steve Staios nous a demandé d’être patient. C’est difficile parce que ça fait sept ans qu’on patiente. Si je vois que Staios fait des changements et que ces changements ont du sens, je suis prêt à le croire et patienter encore un peu », conclut Jean-Philippe Forgues.