Les affronts aux francophones en 2022 : la palme à Blaine Higgs
Qui aurait pu croire que la saga Michael Rousseau et les compressions dans la francophonie ontarienne en 2018 par Doug Ford n’aurait été qu’un pâle épisode comparativement à 2022 avec Blaine Higgs. Il a repoussé le plafond de verre cette année en s’attirant les foudres des Acadiens, mais aussi d’une partie de la population anglophone dans la seule province bilingue du Canada. ONFR+ vous dresse cinq gaffes et affronts envers les francophones en 2022 à travers le pays.
La nomination de Kris Austin
Jamais un geste du gouvernement dans l’histoire récente n’aura autant uni la communauté acadienne contre le gouvernement.
La nomination de Kris Austin, non seulement au cabinet, mais sur un comité chargé de réviser la Loi sur les Langues officielles a été reçue comme une véritable claque au visage. Kris Austin, ancien chef de l’Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, parti hostile au bilinguisme officiel, qualifiait celui-ci de « gaspillage de fonds publics » en plus de prôner la fin du réseau de santé francophone et anglophone.
Sa nomination dans le cabinet aura été perçue comme le début de la fin dans la relation entre Acadiens et le gouvernement Higgs. Mais le premier ministre a relevé la barre quelques jours plus tard en nommant M. Austin à ce comité, ajoutant ne pas voir comment cela pourrait créer des frictions avec la communauté francophone. Cette nomination a soulevé l’ire de la communauté acadienne.
Une vingtaine d’organisations sont sorties en bloc pour exiger la démission de M. Austin, dont la nomination avait été qualifiée d’insulte. Même Justin Trudeau s’était mêlé de la partie.
Blaine Higgs à la rescousse des unilingues anglophones
Cette même révision de Loi sur les langues officielles aura été ignorée pendant près d’un an par Blaine Higgs qui y a finalement répondu… en ne mettant pas en œuvre directement une seule de la trentaine de recommandations d’un rapport de deux commissaires. Mais c’est plutôt les commentaires de l’ancien dirigeant d’Irving Oil qui ont été vus comme un affront.
Tout d’abord, il a affirmé que les francophones devaient se réjouir « qu’on ne leur ait rien enlevé ».
Ensuite, le premier ministre s’est posé en victime en affirmant ne pas avoir eu un parcours facile au moment où il a accédé à ce poste, car il a été attaqué sur le fait d’être un unilingue anglophone. Selon lui, le bilinguisme est une source de division au sein de la société néo-brunswickoise. Il se donne comme mission que d’autres anglophones « n’aient pas l’impression d’avoir un problème parce qu’ils ne peuvent pas parler les deux langues ».
L’abolition de l’immersion française au Nouveau-Brunswick
Le tout a débuté avec la démission fracassante du ministre de l’Éducation Dominic Cardy qui a publiquement dénoncé son patron dans une lettre publique. Blaine Higgs, exprimant le souhait de supprimer ce programme d’enseignement en langue seconde, aurait ignoré les conseils des fonctionnaires en affirmant à l’un d’eux « data my ass ». L’ex-ministre dénonçait le désir du premier ministre de supprimer ce programme dès 2023, pointant du doigt qu’on ne peut pas « modifier les échéances de grands systèmes en fonction de votre état émotionnel ».
« Le changement exige de la prudence, pas un boulet de démolition », disait-il.
Un appel finalement ignoré alors que le Nouveau-Brunswick est allé de l’avant avec une annonce il y a deux semaines en supprimant le programme. Il sera remplacé dès 2023-2024, par un qui réduira le temps d’immersion en français à 50 % du temps, mais exposera davantage d’élèves anglophones.
La Laurentienne
Si les événements sont survenus en 2021, c’est cette année que divers rapports et correspondances ont révélé que toute la débâcle à l’Université Laurentienne aurait pu être évitée. Dans un rapport spécialement consacré à l’établissement, la vérificatrice générale Bonnie Lysyk a indiqué que l’utilisation de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) n’était pas nécessaire et avait été effectuée dans le but d’outrepasser les négociations avec les syndicats des enseignants.
Pour les francophones, la défenseuse aux droits linguistiques, Kelly Burke, a révélé que La Laurentienne avait manqué à ses obligations légales (en vertu de la Loi sur les services en français) en supprimant des programmes francophones. Au total, 72 programmes, dont 29 dans la langue de Molière, sont disparus.
La Laurentienne a bien fini l’année en écrivant sa propre définition du Larousse pour francophone, en annonçant avoir embauché une rectrice francophone… ne parlant pas français.
1 666 jours d’inaction du gouvernement Trudeau en langues officielles
Les années se suivent et se ressemblent pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Une refonte de celle-ci est promise par Justin Trudeau depuis juin 2018 et cette année en aura été encore une sans sanction royale dans ce dossier. L’an dernier, le gouvernement avait promis un dépôt de la Loi dans les 100 premiers jours, une promesse non tenue après que le gouvernement ait invoqué des questions juridiques pour repousser cet échéancier.
Le projet de Loi C-13 a finalement été déposé en mars par la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor, qui avait bon espoir de l’adopter d’ici Noël, à ce moment-là.
Une motion du gouvernement dans les dernières semaines de la session parlementaire pour réduire le temps de débat en comité n’aura pas suffi, alors que les partis de l’opposition, en particulier le Bloc Québécois, ont tout fait pour ralentir le processus. Au bout de la ligne, le constat reste le même, les organismes et communautés francophones attendent toujours cette Loi, promise depuis belle lurette.