Bilan 2018 : la politique des pas en arrière pour les Franco-Ontariens

Le premier ministre Doug Ford et la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney. Archives ONFR+

On espérait un peu, on se méfiait aussi. L’arrivée du gouvernement progressiste-conservateur au pouvoir en juin a sonné l’alarme pour les Franco-Ontariens. Dans les livres d’histoire de l’Ontario français, 2018 risque de rester comme une année de recul, voire noire.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

UNE CITATION

« Je n’ai jamais rencontré un francophone qui avait peur de moi »

En février dernier, #ONfr rencontrait les trois principaux aspirants à la chefferie du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario. Alors simple candidat, Doug Ford acceptait sans peine l’exercice de l’entrevue-vidéo. À la question de notre journaliste Étienne Fortin-Gauthier sur sa volonté de couper ou non des services en français s’il arrive au pouvoir, le futur premier ministre se faisait rassurant.

Le chef du Parti progressiste-conservateur de l'Ontario, Doug Ford.
Doug Ford en entrevue avec Étienne Fortin-Gauthier, en février 2018. Gracieuseté : Marc Whiteway

« C’est peut-être les médias qui disent ça, car je n’ai jamais rencontré un francophone qui avait peur de moi, parce que je les comprends, de la même manière que je comprends tous ceux dont l’anglais n’est pas la première langue. »

Vainqueur de la course à la chefferie le 10 mars, élu à la tête de la province le 7 juin, Doug Ford dévoilait un énoncé économique très inquiétant le 15 novembre. On y annonçait entre autres l’annulation du projet de l’Université de l’Ontario français et la fin de l’indépendance du Commissariat aux services en français.

UN LIEU

La toujours introuvable Université de l’Ontario français

Au moment de faire sa liste de bilan pour 2016, #ONfr avait déjà ironisé sur la formule « l’introuvable Université de l’Ontario français » pour illustrer l’année écoulée. Le projet avançait alors à la vitesse d’un escargot, les rapports se succédaient, et le gouvernement n’avait pas donné son feu vert à l’idée.

Début 2018, le projet était enfin sur les rails, et seule la question de son emplacement à Toronto subsistait encore. Le coup de hache de Doug Ford a mis fin à ce rêve… provisoirement. Par la voix de la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, on comprend grosso modo que le projet n’est pas « annulé » comme écrit noir sur blanc dans l’énoncé économique, mais remis à plus tard. Quand? Lorsque les finances de la province iront mieux, insiste sur le gouvernement.

Aux dernières nouvelles, les militants francophones, l’Assemblée la francophonie de l’Ontario (AFO) en tête, aimeraient un appui financier du gouvernement fédéral pour faire vivre le projet. Le gouvernement Ford a finalement récemment montré un petit signe d’ouverture pour cette éventuelle demande, sans que le dossier n’avance réellement.

UN CHIFFRE

2,9 millions $

C’est à quelques centaines de dollars près le budget du Commissariat aux services en français avant les annonces du 15 novembre. Doug Ford avait prétexté le déficit budgétaire de 15 milliards de dollars pour effectuer des premières compressions. Si l’on sort les calculatrices, cela représente effectivement 0,02 % du déficit de la province.

Le commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau. Gracieuseté : Patrick Imbeau.

Il ne va pas sans dire que le gouvernement progressiste-conservateur souhaite intégrer le Commissariat au bureau de l’ombudsman de l’Ontario. Une proposition qui ferait de François Boileau, ou plus vraisemblablement de son remplaçant, le commissaire adjoint de l’ombudsman Paul Dubé. Dans ce cas précis, on peut présumer que les économies seront extrêmement minimes.

Lors de son indépendance officialisée le 1er janvier 2014, Me Boileau disposait alors d’un budget de 900 000 $. Le chien de garde aux services en français a plusieurs fois répété que cette somme demeurait insuffisante pour assurer les frais de services et un travail efficace.

UNE PERSONNALITÉ

Amanda Simard 

L’ancienne conseillère municipale du Canton de Russell a marqué les esprits au cours de l’année 2018. Très discrète dans les médias en début d’année, Amanda Simard achève 2018 avec un statut d’héroïne franco-ontarienne.

Le 7 juin dernier, la politicienne originaire d’Embrun a réussi d’abord un petit exploit en devenant à 29 ans la première femme élue députée lors d’une élection dans Glengarry-Prescott-Russell. Dans cette circonscription majoritairement francophone, Mme Simard mettait ainsi fin à 37 années d’hégémonie des libéraux au provincial.

Mais d’Amanda Simard, on retiendra surtout son opposition publique aux annonces de son propre gouvernement le 15 novembre. Le bras de fer psychologique entre elle et son parti ne dure qu’une semaine, avant qu’elle ne se décide à jeter l’éponge et à siéger comme indépendante à Queen’s Park.

UNE DATE

1er décembre 

Une journée qui entre dans l’histoire des Franco-Ontariens au même titre que le grand ralliement du 22 mars 1997, à Ottawa, pour protester contre la fermeture annoncée de l’Hôpital Montfort. Ce 1er décembre, ils sont plus de 14 000 aux quatre coins de la province à dire non aux compressions de Doug Ford sur les services en français.

Ces manifestations atteignent même un pic à Ottawa où quelque 5 000 personnes sont présentes devant le Monument canadien pour les droits de la personne. Sur la scène de l’événement, on retrouve la plupart des leaders des organismes, mais aussi des représentants des trois principaux partis à la Chambre des communes.

Tous avaient répondu à l’appel du mouvement La Résistance mis en place par l’AFO, quelques jours après les compressions. Au moment de mettre ces informations sous presse, ces rassemblements n’ont pour l’instant pas fait fléchir le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford sur ses positions.


POUR EN SAVOIR PLUS :

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