Dans les coulisses de la nouvelle vie d’Edith Dumont
TORONTO – Edith Dumont dans la vie privée, « Son honneur » dans l’exercice de ses fonctions, la 30e lieutenante-gouverneure (LG) de l’Ontario a reçu ONFR en pleine Journée internationale de la Francophonie. De ses projets pour son mandat à ses aspirations pour la francophonie, elle nous révèle également quelques secrets sur l’envers du décor, les rouages du protocole ou encore l’aménagement méticuleux de ses appartements, hantés par des fantômes, selon plusieurs témoins.
C’est le 20 mars dernier, lors de la Journée internationale de la Francophonie, qu’a été décerné l’Ordre de la Pléiade 2024 aux six récipiendaires francophones, dans les appartements de la lieutenante-gouverneure. Entre la cérémonie et la réception, Edith Dumont s’est éclipsée pour nous accorder une entrevue dans son bureau, à l’étage de ses quartiers de l’aile ouest du Parlement ontarien.
Ce fut l’occasion de revenir sur sa nomination, le 3 août 2023, par le premier ministre Justin Trudeau. « Une surprise totale », confie la principale intéressée, qui avait même initialement redéménagé de Toronto à Ottawa, sa ville d’origine.
« Une heureuse surprise » toutefois pour Mme Dumont, qui souligne « l’honneur de porter ce titre et d’occuper cette fonction qui dessert l’ensemble de l’Ontario dans toute sa diversité ».
Devenir la première lieutenante-gouverneure francophone de l’Ontario « est pour moi un signe d’appréciation et de reconnaissance que la francophonie occupe maintenant toutes les sphères de nos institutions. Le symbole pour les Franco-Ontariens de se sentir représentés ».
Interrogée sur ce qui l’a le plus surprise du protocole et des changements de sa vie quotidienne, entre les calèches et les gardes du corps, elle répond que c’est tout simplement qu’on l’appelle « Votre honneur ».
« Avec les fonctions que j’ai occupées précédemment, directrice de l’éducation, vice-rectrice de l’Université de l’Ontario français, j’étais familiarisée avec le cérémonial qui accompagne le fait de recevoir des gens importants de la province et de l’international et de faire des discours. »
« Mais c’est bien le titre qui déstabilise au début, concède-t-elle. Je l’ai associé à l’idée qu’il s’agit de mon deuxième prénom pour les cinq prochaines années et je le prends ainsi en toute simplicité, comme une marque d’accueil et de respect. »
Des appartements officiels et leurs fantômes
La disposition des appartements officiels de la LG, qui comprennent deux étages, s’apparente à celle d’une maison classique dont le grand escalier central dessert les différents espaces. Il semble d’un côté y régner une certaine distinction ambiante d’apparat, et, tout à la fois, une atmosphère de simplicité conviviale.
Particularité notable, « lorsqu’un lieutenant-gouverneur quitte ses fonctions, tous les objets d’art sont retirés. J’ai ainsi pu choisir dans la galerie des œuvres d’art de l’Ontario, sous forme de prêts, des pièces qui correspondent à mes goûts et mes valeurs », nous apprend la LG.
En raison de son attrait pour la nature et de son lien avec la capitale canadienne, des toiles du Canal Rideau d’Ottawa et des paysages de forêts habillent les murs. On y trouve également des sculptures et tableaux autochtones, de même que de l’art urbain plus contemporain.
L’espace, qui ne comprend pas de chambre à coucher, Edith Dumont n’y résidant pas, accueille de nombreuses cérémonies. Il sert par exemple à recevoir les hauts dignitaires étrangers, ambassadeurs, consuls ou généraux en visite occasionnelle, et même la famille royale, notamment dans les trois salons de réception de différentes tailles et usages, au rez-de-chaussée.
À l’étage, le bureau de la LG jouxte la Salle de musique, the Music room, où trône un imposant piano, d’où son nom. Elle y donne la sanction royale, étape officielle finale d’approbation des projets de loi, en présence de membres de l’Assemblée législative, et décerne un certain nombre de décorations, tout comme l’Ordre de la Pléiade.
C’est aussi dans cette salle que l’on retrouve les portraits des derniers LG. Joe Segal, un des gestionnaires du bureau de la lieutenante-gouverneure de l’Ontario, nous explique que, tout comme les premiers ministres de l’Ontario, un portait est réalisé de chaque LG sortant, représenté avec les attributions et caractéristiques de leur choix.
James K. Bartleman, 27e lieutenant-gouverneur et premier d’origine autochtone, est ainsi représenté avec une tenue et des objets traditionnels. Le 28e lieutenant-gouverneur David Charles Onley, en situation de handicap moteur, a choisi de poser avec son fauteuil roulant.
Secret de Polichinelle, Edith Dumont nous glisse également que les appartements seraient hantés, selon de nombreux témoins qui « auraient entendu dès la tombée de la nuit, jusqu’au petit matin, des bruits étranges au sein de ces murs ». Une théorie qu’elle nous propose de venir vérifier lors d’une prochaine visite nocturne de groupe à l’Halloween.
Une empreinte et un legs à laisser
Mme Dumont rappelle humblement qu’elle n’a pris ses fonctions que quatre mois auparavant, et qu’il lui reste beaucoup de choses à apprendre. Elle souhaite, tout comme ces prédécesseurs, laisser un legs.
« Lors de mon discours d’installation, j’ai exprimé certains intérêts. L’équité homme/femme est quelque chose qui me tient énormément à cœur, de même que de m’assurer que la population vieillisse en toute dignité, avec le sentiment de continuer à contribuer à leur communauté. Mon cœur est aussi en éducation. J’en ai fait ma carrière, les jeunes sont le futur. Et enfin, la réconciliation et le renforcement des liens avec les Premières Nations sont pour moi primordiaux », explique-t-elle.
Fait surprenant, nous conte-t-elle, le nombre inimaginable d’Ontariens francophiles que l’on rencontre au sein des communautés.
« Cela me fait chaud au cœur lorsque j’arrive et que tous sont ravis de me raconter qu’ils ont appris le français, qu’ils le parlent encore un peu, que leurs enfants apprennent le français ou encore que leurs grand-mères étaient francophones », énumère-t-elle, amusée.
Le rôle de LG, qui repose sur des devoirs d’ordre constitutionnel, comprend également la remise de prix et de distinctions. Celle qui a elle-même été faite chevalière de l’Ordre de la Pléiade nous exprime la chaleur, sur le plan humain, que lui procure le fait d’offrir, à son tour, des reconnaissances et des médailles, pour souligner les contributions de citoyens qui œuvrent pour leurs communautés et pour les institutions.