Le bilan fédéral de 2022 marqué par les camionneurs et le Convoi de la liberté

Montage ONFR+

OTTAWA – Probablement l’une des nouvelles les plus marquantes à l’international, l’occupation du centre-ville d’Ottawa par le Convoi de la liberté aura sans aucun doute marqué l’actualité fédérale et nationale au Canada en 2022. Pour les francophones, le dépôt d’une Loi sur les langues officielles durable est finalement survenu, mais son adoption se fait toujours attendre.

Un lieu : Ottawa

Comment ne pas retenir le passage du Convoi de la liberté dans la capitale fédérale qui aura paralysé le gouvernement fédéral pendant près d’un mois? Des manifestants, venant d’est en ouest du pays, pour gronder contre les mesures sanitaires du fédéral ou pour certains, faire tomber le gouvernement Trudeau.

Manifestation du Convoi de la Liberté en février dernier à Ottawa. Crédit image : Pascal Vachon

Les manifestations ont eu un tel impact qu’elles se sont propagées à Windsor dans le Sud de la province et au poste frontalier de Coutts en Alberta. Des convois ont même été reproduits en France et en Belgique.

Dès le départ, la Police d’Ottawa est incapable d’empêcher et de contrôler la masse de gens affluant au centre-ville. Quelques jours après l’arrivée des manifestants, le maire d’Ottawa Jim Watson déclare l’état d’urgence.

Quelques jours plus tard, alors que le pont Ambassador à Windsor est assiégé à son tour par des manifestants, Doug Ford sort avec la version ontarienne de l’état d’urgence. Le 14 février, Justin Trudeau sort la massue. Il invoque la Loi sur les mesures d’urgence, jamais invoquée depuis sa création en 1988. Quelques jours plus tard, avec l’aide de différents corps de polices canadiens, les manifestants et les camions sont chassés du centre-ville d’Ottawa ramenant de nouveau, un sens de normalité dans la capitale fédérale.

La crise aura coûté le poste du chef de la Police d’Ottawa Peter Sloly qui remettait sa démission le lendemain de l’annonce de Justin Trudeau. On oublie aussi que l’arrivée des manifestants aura été la goutte qui aura fait déborder le vase pour le Parti conservateur, qui chasse son chef Erin O’Toole alors que le caucus est divisé sur l’arrivée de ce Convoi.

Le Convoi de la liberté a élu domicile fixe à Ottawa pendant près de trois semaines. Crédit image : Spencer Platt / Staff / Getty Images News via Getty Images North America

Une personnalité : Paul Rouleau

Suite à l’invocation de la Loi, le gouvernement Trudeau doit obligatoirement tenir une enquête indépendante. Une commission est créée et la tâche de présider celle-ci revient au juge franco-ontarien Paul Rouleau.

Ce dernier a retenu l’attention lors des audiences de la Commission sur l’état d’urgence rebaptisée en son honneur, la Commission Rouleau. Pendant près de six semaines, la soixantaine de témoins ont révélé les revers du décor au sein des organisations policières et des divers paliers de gouvernements impliqués.

On a notamment appris le peu d’intérêt du gouvernement Ford de se mêler de la situation arguant que c’était dans la cour du fédéral jusqu’au moment du blocus à Windsor. Justin Trudeau avait même blâmé Doug Ford de se cacher pour des raisons politiques à quelques mois des élections ontariennes. Le premier ministre ontarien a d’ailleurs pris, avec succès, la voie des tribunaux pour refuser de témoigner.

Le juge Paul Rouleau lors des audiences de la Commission. Gracieuseté de la Commission sur l’état d’urgence

Le manque évident de collaboration entre les différents corps de police et l’admission du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) d’avoir recommandé l’invocation de la Loi ont notamment marqué les audiences. Le tout a culminé par le passage de Justin Trudeau au dernier jour de la Commission. Paul Rouleau doit remettre au gouvernement en février son rapport justifiant ou non l’invocation de la Loi par le gouvernement Trudeau.

Un chiffre : 68 %

C’est le pourcentage de membres du Parti conservateur du Canada ayant voté pour Pierre Poilievre comme nouveau chef, une victoire écrasante pour le politicien d’origine fransaskoise.

Il a ainsi devancé Jean Charest. L’ex-premier ministre du Québec a obtenu un maigre 15 % des voix contre le député de Carleton, dont le message économique, centré autour de l’inflation et du prix du coût de la vie, a séduit un grand nombre de conservateurs, mais aussi de nouveaux électeurs canadiens. Le camp Poilievre disait avoir attiré 300 000 nouveaux membres lors de la course à la chefferie.

Le nouveau chef du Parti conservateur Pierre Poilievre. Crédit image: Stéphane Bédard
Le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre lors de son discours de victoire. Crédit image : Stéphane Bédard

Certaines de ses positions ont toutefois jasé et pourraient le rattraper lors d’une éventuelle campagne électorale. Il avait notamment conseillé d’investir dans de la cryptomonnaie (Bitcoin) pour s’échapper de l’inflation. Il a aussi affirmé qu’il congédierait le directeur de la Banque du Canada ou encore promis d’interdire la présence de membres de son gouvernement au Forum économique mondial, souvent la cible de théoriciens du complot.

Arrivé en poste en septembre, juste à temps pour la rentrée parlementaire, le nouveau chef s’est fait discret dans les derniers mois, évitant les grands médias traditionnels. Il a surtout consacré son temps à voyager à travers le pays, notamment dans le Grand Toronto et à Vancouver auprès des minorités ethnoculturelles des deux métropoles.

Une date : 1er mars

C’est en direct de Grand-Pré, lieu symbolique de l’Acadie, mais aussi de la déportation des Acadiens il y a près de 300 ans, qu’a été annoncé le dépôt de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. La ministre Ginette Petitpas Taylor faisait ainsi suite au projet de Loi C-32, déposé par sa prédécesseure Mélanie Joly, mais dont la mouture était destinée à mourir au feuilleton en raison des élections en 2021.

La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor.
La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor à Grand Pré lors du dépôt de la réforme sur les langues officielles. Crédit image : Gracieuseté

C-13 marque depuis quelques mois les actualités reliées aux langues officielles au Parlement, alors que le projet de loi se trouve actuellement devant le comité et pourrait être passablement modifié.

De nombreux organismes comme la Fédération des communautés francophones et acadiene du Canada et l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) demandent son adoption le plus tôt possible. Cela pourrait survenir en mars 2023, mais la ministre n’est pas encline à utiliser les pouvoirs du bâillon qui pourrait forcer la Chambre des communes à notamment limiter le temps consacré à l’étude du projet de loi article par article.

« Je ne veux même pas aller là », concédait-elle en entrevue avec ONFR+ à la mi-décembre.

Une citation : « Bien que cela ait été un choc de voir les chiffres, ça n’a pas été une surprise »

Ce sont ici les propos de Justin Trudeau quelques jours après la sortie des données sur le français révélé en août par Statistique Canada. On a notamment appris que le français connaissait un fort déclin au Canada, en Ontario et au Québec. Si cette baisse était prévisible, elle a été plus prononcée que prévu par les experts.

Elle n’est cependant pas marquée de réveil auprès des politiques du gouvernement Trudeau, qui jusqu’à présent, n’a pas changé de cap dans sa stratégie sur les langues officielles ou encore dans l’immigration francophone par rapport à ces nouvelles statistiques. Justin Trudeau s’était dit « préoccupé » par « un déclin significatif » du français accentuant l’argument de son gouvernement avec C-13 de protéger le français, pas juste au Québec, mais aussi à travers le Canada.