La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy
La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy. Gracieuseté

[LA RENCONTRE D’ONFR+]

FREDERICTONCette semaine, le gouvernement Trudeau a enclenché la première étape en vue de l’adoption de la modernisation de la Loi sur les langues officielles avec le dépôt du projet de loi C-13. À la FCFA, c’est une étape qu’on attendait depuis plusieurs années et que sa présidente Liane Roy souhaite voir être adoptée au plus vite. Pour l’Acadienne d’origine, dont l’amour de la langue française remonte à l’enfance, c’est la survie des communautés francophones à travers le pays qui est en jeu avec cette loi.

« Comment avez-vous accueilli la réforme de la Loi sur les langues officielles présentée par la ministre cette semaine?

Il faut remercier la ministre. Elle nous avait promis un projet de loi dans les 100 premiers jours et elle l’a déposé le 1er mars, donc c’est juste une poussière après les 100 premiers jours. Elle a quand même livré la marchandise en temps et lieu. Je pense que le projet de loi a des gains par rapport à C-32 qui avaient été déposé en juin. Il y a eu un bon travail de la part d’elle et de son équipe. Bien sûr, il y a des choses à améliorer, mais on va faire notre maximum, pas pour ralentir le processus, mais pour s’assurer d’avoir le meilleur projet de loi possible.

Quels sont les points que vous tenez mordicus à améliorer ou modifier dans C-13?

Il y en a trois principaux, à commencer par l’ajout des clauses linguistiques qui résoudrait tellement de problèmes dans nos communautés. Ensuite, ce serait de faire du Conseil du trésor l’agence centrale pour être capable de développer une politique horizontale qui touche l’ensemble des ministères. Dans la loi actuellement, ce n’est pas clair. Et finalement, préciser quelques points sur l’immigration francophone. On a fait beaucoup de travail pour démontrer qu’on a beaucoup de rattrapage à faire sur ça (sur l’immigration). Depuis 2003, on n’a pas atteint nos cibles, c’est une partie de la population qu’on n’a pas été chercher.

Vous avez grandi au Nouveau-Brunswick en plus de vous impliquer dans les organismes acadiens dès les années 80. Comment était vécu le bilinguisme officiel dans la province à l’époque?

On entendait des commentaires et le fait d’avoir un nom francophone dans un milieu anglophone n’était pas toujours très positif. Les gens revenaient toujours sur la question que nous (les francophones) allions prendre leurs emplois. Il y avait eu deux rapports dans ces années-là et ça avait créé beaucoup de bisbilles entre les francophones et anglophones, notamment sur la question de bilinguisme, de l’accessibilité et des postes désignés francophones dans la fonction publique. Ce n’était pas positif et l’ambiance n’était pas belle.

La présidente de la FCFA Liane Roy
La présidente de la FCFA, Liane Roy, en compagnie du directeur-général de l’organisme Alain Dupuis. Gracieuseté.

Les mentalités ont-elles changé selon vous?

Ça a beaucoup changé, on le voit. On peut parler en français à Fredericton aujourd’hui et il n’y a pas 15 têtes qui vont se retourner de bord pour voir qui parle français. C’est normal d’entendre le français un peu partout. Ce n’était pas comme ça dans ces années-là. On peut aussi regarder les statistiques du commissaire sur les Canadiens qui supportent massivement le bilinguisme. C’est ça qui est frustrant, car on est chanceux comme pays. Quand tu regardes à l’international comme en Suisse qui a quatre langues officielles ou les Européens qui changent d’une langue à l’autre et là tu reviens au Canada et il y a des gens qui s’obstinent à ne pas connaître l’autre langue officielle.

En quoi votre père a-t-il inspiré en partie votre combat pour les droits des francophones?

Du côté à ma mère, c’était acadien, alors que mon père était québécois. Pour lui, la question de la langue française était importante. Le développement et l’utilisation de la langue ainsi que l’avancement des francophones et des Acadiens ont toujours été très présents pour qu’on puisse comprendre d’où on venait.

La ministre a fait son annonce cette semaine à Grand Pré, haut lieu du combat historique des Acadiens et de leur déportation. Que vous inspire cet endroit? Vous est-il familier?

Ah oui. Toute cette question de la déportation des Acadiens était présente dans ma famille (…). Je me souvenais que si on allait en vacances en famille avec mon père, c’était présent. On est allé à Grand Pré, à Port-Royal et dans tous les lieux nationaux historiques parce que ça forge notre futur. C’est important de savoir d’ où on vient pour mieux orienter la suite.

Liane Roy en compagnie de la ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor.
Liane Roy au côté de la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor. Source : Twitter

Vous avez aussi été la présidente et directrice générale du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick. Comment voyez-vous la crise que vivent les institutions postsecondaires en milieu minoritaire aujourd’hui?

Tout ce qu’on fait par rapport à la fragilisation du postsecondaire, c’était présent à l’époque et on en parlait, mais ça n’avait pas l’oreille au niveau national, c’était plus difficile d’avoir des fonds fédéraux. Là, l’an passé pendant la campagne électorale, le gouvernement Trudeau a mis des fonds par rapport au postsecondaire et c’est vraiment bien, car ça va aider beaucoup. Les gens dans ce réseau travaillent tellement fort pour donner de belles occasions aux étudiants alors il faut avoir des ressources pour être capable de le faire.

Vous avez été élue à la tête de la FCFA il y a moins d’un an. Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter?

J’avais vu venir (les prochaines années), la modernisation, le Plan d’action sur les langues officielles, les états généraux alors c’est pour ça que je me suis présenté. La loi est importante mais le Plan d’action est aussi important. Ce qu’on va être capable d’aller chercher dans le plan et dans les états généraux vont nous donner un cadre pour comment fonctionner pour être capable de vraiment répondre aux besoins de nos communautés.

Plus tôt cette année, le Québec et le FCFA ont signé une nouvelle entente de collaboration. Quelle relation souhaitez-vous développer avec le Québec?

On veut vraiment rapprocher toutes les communautés francophones du pays et la société civile au Québec. Il y a déjà eu des rapprochements avec le gouvernement, mais jamais avec les regroupements ou les associations québécoises qui travaillent dans différents secteurs. Les gens ne nous connaissent pas et on ne les connaît pas non plus. Il y a beaucoup de belles choses qu’on pourrait faire pour se rapprocher de la population en général pour développer des partenariats et des collaborations.

Le fédéral doit aussi renouveler son Plan d’action sur les langues officielles cette année. Quelles sont vos attentes par rapport à ça?

Le Plan d’action va être très important, car ça va être le premier avec une nouvelle loi. C’est aussi dans le Plan d’action qu’on va avoir les résultats du recensement avec les nouvelles questions qui ont été ajoutées. Ça devrait nous donner encore plus de données par rapport aux nombres d’emplois et de francophones. Il va aussi avoir dans le plan tout ce qui touche l’immigration francophone et le postsecondaire.

Les prochains mois s’annoncent chargés avec la réforme de la Loi, les États généraux sur le postsecondaire et le Plan d’action. Quel impact pourrait avoir toutes ces nouvelles politiques sur la francophonie?

On ne peut pas manquer notre coup et je ne peux pas manquer mon coup dans le poste que je suis (rires). Il faut être stratégique dans la manière dont on fait les choses et dans ce que l’on demande. Par exemple, pour le postsecondaire, je ne dis pas que l’argent n’est pas important, mais il faut aussi contribuer de notre côté en étant plus innovant et imaginatif dans nos approches. »


LES DATES-CLÉS DE LIANE ROY :

1959 : Naissance à Grand-Sault (Nouveau-Brunswick)

1998 : Se joint à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)

2010 : Deviens présidente-directrice générale du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick

2021 : Élue à la présidence de la FCFA

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.