Ramenons « le commissaire que Doug Ford a viré », réclame Mike Schreiner


Le chef du Parti vert de l’Ontario, Mike Schreiner, a été le premier à dévoiler sa plateforme électorale cette semaine. Au micro d’ONFR, il explique ses engagements pour le logement, le climat ou encore la francophonie, comme son intention de rétablir un Commissariat indépendant aux services en français (adossé depuis 2018 au Bureau de l’ombudsman). Il confie aussi ses espoirs de grappiller des sièges au soir du 27 février prochain et de voir un jour le mode de scrutin réformé.
Défendre l’environnement ne semble plus vraiment à l’ordre du jour en Amérique du Nord. En Ontario, une autoroute est construite dans la Ceinture de verdure. Au Canada, la taxe carbone est attaquée. Et les États-Unis sont sortis de l’Accord de Paris…
Quand on en vient à défendre les terres agricoles contre Doug Ford, je crois au contraire que c’est une priorité absolue pour les gens. Ce secteur contribue à hauteur de 50 milliards de dollars dans notre économie et soutient 875 000 emplois dans l’alimentation et l’agriculture. Il est question de notre sécurité alimentaire et de nos emplois menacés par les tarifs douaniers de Donald Trump, mais aussi par Doug Ford qui asphalte chaque jour 319 acres de terres agricoles.
Le précédent gouvernement a essuyé de nombreuses critiques sur sa gestion des zones naturelles. Quelle serait la première mesure que vous prendriez si vous étiez au pouvoir?
Je renverserais toutes les mesures qui démantèlent la protection de l’environnement et je ferais en sorte que l’Ontario commence à construire des logements abordables à l’intérieur des limites urbaines existantes, là où l’infrastructure est déjà en place. Doug Ford a échoué à résoudre la crise du logement parce qu’il a fait passer les profits des riches spéculateurs fonciers avant le logement abordable.
Est-il encore temps de faire marche arrière sur l’autoroute 413, selon vous?
Il serait bien moins coûteux de payer les péages des camionneurs sur la 407 que de construire l’autoroute 413. Ça coûterait 4 milliards de dollars au cours des 30 prochaines années, contre 10 à 12 milliards pour la construction de la 413 et ses 400 acres d’asphalte dans la ceinture de verdure, 2 000 acres dans les terres agricoles.
Que feriez-vous du projet de la Place de l’Ontario?
Malheureusement, les arbres ont déjà été arrachés… Ce devrait être une propriété publique accessible à la population et non pas céder à un spa de luxe privé appartenant à des étrangers qui nous coûte 2,2 milliards de dollars. Je n’arrive pas à croire que le premier ministre gaspille autant d’argent pour ce projet, alors que tant de personnes n’ont pas les moyens de se loger, n’ont pas accès à un médecin, et que leurs enfants apprennent dans des salles de classe surchargées.
Vous ne défendez pas seulement les causes environnementales. Pourquoi mettez-vous autant d’énergie dans le logement et le pouvoir d’achat?
C’est très difficile de penser à la fin du monde si vous n’arrivez même pas à boucler la fin du mois! La crise de l’abordabilité fait beaucoup de mal aux gens et trouve son origine dans la crise du logement. C’est pour cela que ma première annonce a porté sur un plan visant à soutenir les premiers acheteurs de maison, à protéger les locataires et à favoriser les logements coopératifs sans but lucratif. On ne peut pas permettre que 81 000 personnes en Ontario soient sans abri.
Ce plan a un lien direct avec le climat, car si nous construisons des logements que les gens peuvent s’offrir dans les communautés qu’ils aiment, sans paver nos terres agricoles, cela contribue à réduire la pollution, parce que les gens n’ont pas à se déplacer aussi loin.
Quelle est votre priorité pour le système de santé?
Le plus important à mes yeux est d’investir dans le personnel : docteurs, infirmiers, personnel de soutien et autres travailleurs de première ligne. Tout le monde devrait avoir accès à un médecin de famille, car sinon cela met de la pression sur tout le reste du système. Mais on ne doit pas s’arrêter là : regardez toutes les fermetures sans précédent dans les services d’urgence ou les problèmes dans les foyers de soins de longue durée. Tout ça est dû à une pénurie de personnel et on doit inverser la tendance.
Vous ne vous êtes pas vraiment exprimé sur les enjeux francophones jusqu’ici. Quelles sont vos ambitions?
Nous devons nous assurer d’avoir des services en français dans les soins de santé, l’éducation et les autres services publics. Nous devons également ramener le commissaire aux services en français que Doug Ford a viré, car il veillait à ce que les francophones soient protégés en Ontario et que, lorsqu’ils n’obtiennent pas de services en français, ils aient un bureau à qui le signaler.
Quel avenir entrevoyez-vous pour l’Université de Sudbury?
Il nous faut une université francophone dirigée par et pour des francophones, parce que nous savons à quel point l’éducation de langue française fait une énorme différence, et c’est l’un des moyens de remédier à la pénurie d’enseignants francophones que nous connaissons en Ontario. Ce qui m’amène au point suivant : nous devons renforcer l’éducation de la maternelle à la 12e année pour les francophones de l’Ontario et les anglophones, afin qu’ils apprennent le français et deviennent bilingues.
Malheureusement, je ne suis pas bilingue. J’aimerais que ce ne soit pas le cas et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous devons renforcer notre système d’éducation.
Quelle réponse apporter à la guerre tarifaire américaine?
Les droits de douane représentent un réel danger. Le secteur de la construction affirme que ces droits de douane pourraient augmenter le coût des maisons. C’est exactement la raison pour laquelle les Verts ont présenté un plan pour les acheteurs d’une première maison, qui pourrait leur permettre d’économiser jusqu’à 150 000 dollars, en supprimant les droits et taxes sur les logements. L’un des meilleurs moyens de stimuler notre économie est le secteur de la construction.
Deuxièmement, nous avons également besoin d’un groupe de travail sur les tarifs qui travaille au-delà des partis, des juridictions et des secteurs, et aussi d’un crédit d’impôt à l’investissement pour les entreprises afin de débloquer les investissements gelés par la menace de ces droits de douane.
Vous dites souvent qu’on a abandonné la ruralité. Pourquoi?
Les habitants des communautés rurales veulent que l’on investisse de l’argent dans des projets météorologiques sûrs. Ils trouvent insultant que le premier ministre veuille gaspiller autant d’argent dans des projets tels que les tunnels, alors que les routes et les ponts sont fermés dans de nombreuses communautés rurales, faute de moyens de les maintenir ouverts.
Vous avez parlé de mettre fin à la pauvreté. Est-ce réaliste? Comment?
Oui et cela commence par le doublement du programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) et du programme Ontario au travail. Imaginez que vous essayez de survivre avec 1 300 $ par mois alors que le loyer moyen du marché en Ontario est de plus de 1 600 $ par mois, et dans de nombreuses villes comme Toronto, de plus de 2 000 $ par mois. Le calcul n’est tout simplement pas juste. La pauvreté coûte à notre province 33 milliards de dollars par an. Il serait bien moins coûteux et plus digne de doubler le POSPH.
Quelle est votre position sur le nucléaire et la construction d’une mégacentrale à Port Hope, sur les rives du lac Ontario?
L’objectif principal de l’Ontario devrait être d’avoir l’électricité sans émission la moins chère possible. Nous sommes absolument opposés à ce que le gouvernement Ford accélère la construction de centrales au gaz polluant, ce qui a déjà rendu notre réseau 10 % plus pollué et augmentera la pollution climatique de plus de 700 %. Les Verts ne sont pas opposés à l’énergie nucléaire. Nous voulons simplement nous assurer d’aller de l’avant avec les sources d’électricité les moins coûteuses et sans émissions : l’éolien, le solaire et les batteries de stockage. Il faut laisser le marché déterminer ce qu’il faut faire avec le mégaprojet de Port Hope.
Vous avez fait entrer votre parti dans l’histoire en remportant un premier siège à Queen’s Park en 2018, puis un second en 2023. Croyez-vous pouvoir aller encore plus loin?
Nous sommes convaincus que nous pouvons continuer à grandir. Nous sommes le seul parti à avoir doublé son caucus depuis les dernières élections. Matt Richter (candidat dans Parry Sound-Muskoka en 2022 qui se représente en 2025) a presque gagné les dernières élections. Nous allons lui faire franchir la ligne d’arrivée lors de celles qui viennent. Nous présentons également un certain nombre de candidats solides comme la conseillère municipale Bronwynne Wilton à Wellington-Halton Hills, l’ex-maire d’Orangeville Sandy Brown dans Dufferin-Caledon, le conseiller Joel Loughead dans Bruce Grey-Owen Sound…
Le système électoral permet difficilement aux petits partis d’émerger. Faudrait-il le réformer?
Oui. À une époque où la démocratie est menacée dans le monde entier, nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour la renforcer en mettant en place la représentation proportionnelle. Le Parlement reflèterait mieux la volonté du peuple et cela contribuerait à augmenter la participation qui a atteint des niveaux historiquement bas.
Vous êtes chef depuis 15 ans. Avez-vous déjà songé, dans un coin de votre tête, à passer le flambeau?
Pour l’instant, je me concentre sur les prochains jours pour arriver au 27 février. Je suis vraiment fier de la croissance du parti et du fait que les gens disent que nous avons une influence considérable à Queen’s Park. Et je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’il y ait plus de députés verts qui travailleront dur pour demander des comptes au gouvernement.