Le sénateur René Cormier. Crédit image: Sénat du Canada
L'amendement du sénateur René Cormier permettra l'ajout des minorités francophones pour le financement des garderies dans les ententes fédérales-provinciales. Crédit image: Sénat du Canada

OTTAWA – Le Sénat a modifié un projet de loi du gouvernement Trudeau sur les garderies en ajoutant une obligation de financer la petite enfance en français en milieu minoritaire.

Le projet de loi C-35, de l’ancienne ministre de la Famille et des Enfants, Karina Gould, vise à assurer la pérennité du financement des garderies et vient en quelque sorte enchâsser dans une loi les ententes signées entre les provinces et le fédéral au cours des dernières années.

Mercredi, les sénateurs, avec 58 votes pour et 20 contre, ont adopté une motion de leur collègue acadien René Cormier, en ajoutant la mention des « communautés de langue officielle en situation minoritaire » dans la portion de la Loi qui vise l’engagement financier des gouvernements.

Cette même motion du sénateur Cormier avait été refusée en comité lors de l’étude du projet de loi et était vue comme essentielle aux yeux des communautés francophones hors Québec. Ces derniers jugeaient que sans une telle mention, les provinces n’auraient aucune obligation de financer les services de garde francophones.

« Il y a un appui puissant et je pense que ça vient vraiment des collègues sénateurs qui ont eu une prise de parole forte sur la reconnaissance que la question des garderies pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, c’est crucial », a témoigné, en entrevue, quelques instants après le vote le sénateur Cormier.

Le Sénat doit encore voter sur l’ensemble du projet de loi. En principe, le vote doit survenir jeudi alors qu’aucun autre amendement n’est attendu, le but étant de le renvoyer le plus tôt possible à la Chambre des communes. Celle-ci devra alors se prononcer sur le libellé tel qu’amendé. Elle pourrait alors décider par un vote de rejeter la modification proposée avant de la renvoyer à nouveau au Sénat, un scénario qui pourrait être évité si les parlementaires acceptent l’amendement.

Un amendement auparavant rejeté

Le projet de loi C-35 avait été adopté à l’unanimité par le Parlement en juin dernier. La modification apportée jeudi par le sénateur Cormier avait auparavant été portée devant le Parlement, mais avait été rejetée par les libéraux et le NPD en comité. Aucun amendement n’avait été apporté à la Chambre haute lors de l’étude clause par clause au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Lors des débats au Sénat mardi, des sénateurs ont exprimé des inquiétudes sur le fait que le projet de loi C-35 omet les responsabilités constitutionnelles du fédéral en n’incluant pas les minorités linguistiques. La sénatrice franco-ontarienne Lucie Moncion de Sudbury avait alors mis en garde ses collègues « contre les risques de préjudices envers les minorités de langue officielle en situation minoritaire ».

« Les risques juridiques liés à cette omission sont réels et étayés par les faits et par la jurisprudence pertinente en droits linguistiques. L’absence d’une mention explicite à l’article 8 est donc source d’une grande inquiétude pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire », s’inquiétait-elle.

Son collègue René Cormier a par ailleurs souligné une intervention de l’ancien juge de la Cour suprême Michel Bastarache qui avait écrit au comité pour qu’il ajoute « l’obligation de mettre dans l’entente l’obligation de financer la formation en français ».

Le représentant du gouvernement au Sénat Marc Gold avait présenté comme argument qu’il « serait incohérent de reconnaître les minorités francophones et anglophones aux côtés des provinces, des territoires et des peuples autochtones ».

« Sur le plan juridique, les minorités francophones et anglophones n’ont pas le même statut ni le même rôle que les partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones dans la prestation des programmes et services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants, pas plus que dans l’élaboration et la pérennisation de ce système pancanadien », avait-il exprimé.