Ces poids lourds qui ne se représentent pas aux élections provinciales

Rod Phillips, Christine Elliott et Kathleen Wynne sont les départs les plus médiatiques de la scène politique ontarienne. Montage ONFR+

TORONTO – Quoiqu’il advienne le 2 juin prochain, trois figures importantes de la vie politique ontarienne ne retrouveront pas les bancs de Queen’s Park : la ministre de la Santé Christine Elliott, le ministre des Soins de longue durée Rod Phillips et l’ancienne première ministre Kathleen Wynne ont tous trois annoncé leur retrait de la vie politique.

Le départ de deux ministres de tout premier ordre est un coup dur pour le premier ministre. Avec Rod Phillips et Christine Elliott, le gouvernement avait démontré une ouverture singulière à la société civile, d’autant que ces deux personnalités ont rapidement occupé une place prépondérante dans le cabinet.

Catapulté ministre des Finances, M. Phillips a occupé le rôle central de grand argentier ontarien avec pour mission d’éliminer le déficit hérité des libéraux en 2018 et de remettre l’argent dans la poche des Ontariens, un plan contrecarré à mi-mandat par l’irruption de la pandémie de COVID-19.

Rod Phillips, ministre des Finances, vacancier poussé à la démission puis revenu à la tête des Soins de longue durée. Archives ONFR+

Poussé vers la sortie en décembre 2020 pour avoir enfreint la consigne du premier ministre de ne pas sortir du territoire sans raison valable, l’ex-patron du groupe Postmedia est revenu par la petite porte six mois plus tard à la faveur d’un remaniement ministériel. Aux commandes du portefeuille des Soins de longue durée, l’élu d’Ajax a succédé à Merrilee Fullerton, elle-même sous le feu de la critique pour sa gestion calamiteuse, de l’avis de plusieurs observateurs, des foyers durant la pandémie.

À l’annonce de son départ en janvier dernier, est venue se greffer celle d’un autre ténor de la Ford nation : Christine Elliott.

Elliott dans l’œil du cyclone sanitaire

La très médiatisée ministre de la Santé, qui aura été au cœur du cyclone sanitaire, a annoncé qu’elle renonçait à être candidate à sa succession, en tant que députée de Newmarket-Aurora, deux mois après le retrait de Rod Phillips.

Mme Elliott est une des rares ministres à avoir conservé le même ministère en dépit des remaniements ministériels. Députée depuis 13 ans, elle a été élue pour la première fois en 2006 dans la circonscription de Whitby-Ajax, tentant à trois reprises de conquérir la chefferie progressiste-conservatrice. Sa dernière tentative, face à Doug Ford et Caroline Mulroney, avait failli être la bonne.

Christine Elliott, ministre de la Santé et vice-première ministre chahutée à Queen’s Park depuis deux ans. Crédit image : Jackson Ho

Adversaire d’hier, allié incontournable par la suite, l’avocate de formation devenue vice-première ministre a essuyé durant quatre ans les invectives de l’opposition alors qu’elle faisait la pluie et le beau temps sur les mesures sanitaires, entre l’humeur de Doug Ford et les recommandations des scientifiques. Elle l’a dit : elle ne se représentera pas, certainement usée par la pandémie et sans espoir d’ascension politique à court terme.

S’il est reconduit au pouvoir, le premier ministre devra trouver une personnalité du calibre de Mme Elliott à un portefeuille hautement sensible alors que le système de santé poursuit sa transformation et que la pandémie n’est pas terminée.

Deux autres ministres de la Ford Nation ne se représentent pas : l’ex-ministre de l’Environnement, Jeff Yurek, dans Elgin-Middlesex-London, et l’ex-ministre associée déléguée à la Petite enfance et à la Condition féminine, Jane McKenna, dans Burlington.

Wynne, le meilleur et le pire

Au cours de sa longue carrière politique, l’ex-première ministre libérale aura connu la gloire et l’humiliation. Première femme à occuper le poste de première ministre en Ontario, en 2013, elle est reconduite l’année suivante, avant d’essuyer un cuisant revers en 2018 qui anéantit la quasi-totalité de son caucus.

Dans la foulée de la vague bleue qui a succédé à 15 ans de règne libéral, l’élue de Don-Valley-Ouest a tout de même sauvé son siège de députée, figurant parmi les sept rescapés libéraux de l’opposition dans un parti sans statut officiel. Élue pour la première fois en octobre 2003, elle aura siégé pendant 19 ans à l’Assemblée législative.

Kathleen Wynne, première femme première ministre et première personne ouvertement gaie aux commandes de la province. Archives ONFR+

À l’origine de la gratuité de certains frais de scolarité universitaires et de l’augmentation du salaire minimum à 14 $ de l’heure, l’ancienne première ministre a aussi accompagné les bases de la création de l’Université de l’Ontario français – sans jamais mener le projet à son terme – et transformé l’Office des Affaires francophones de l’Ontario en un véritable ministère des Affaires francophones. Elle avait aussi présenté des excuses officielles devant l’Assemblée législative pour le Règlement 17 qui interdisait l’enseignement et l’utilisation du français dans les écoles primaires.

Sans Martow, ni Barrett, ni Gravelle

La liste ne s’arrête pas là. Il faut ajouter à ces départs, celui de l’ancienne adjointe parlementaire de la ministre des Affaires francophones, Gila Martow. Élue depuis 2014, la députée de Thornhill aura péniblement tenté de représenter les intérêts francophones à partir de 2018, après le départ de la députée Amanda Simard, lorsqu’elle a claqué la porte du parti dans la foulée du Jeudi noir.

Sa bourde la plus spectaculaire sur la francophonie aura été de déclarer, en 2015, au micro d’ONFR+, qu’elle ignorait l’existence de la crise de l’Hôpital Montfort. « Je ne connais pas du tout Montfort, de quoi s’agit-il? » était devenue une phrase culte.

Par la suite, sa tentative de faire le saut au fédéral aux dernières élections de 2021 s’est soldée par un échec, battue dans la course à l’investiture conservatrice par Melissa Lanstman, stratège de Doug Ford. Mme Martow a dû renoncer à son rôle d’adjointe parlementaire provinciale et n’a pas été autorisée à se présenter aux prochaines élections ontariennes. C’est une directrice du club de soccer local qui tentera de reprendre son siège.

La députée Gila Martow, auteure de la célèbre phrase : « Je ne connais pas du tout Montfort, de quoi s’agit-il? » Archives ONFR+

Il faut aussi souligner le retrait d’un autre progressiste-conservateur : Toby Barrett, à l’âge de 76 ans. Ce vétéran de la politique ontarienne aux sept mandats dans Haldimand-Norfolk a été élu pour la première fois il y a 27 ans, sous le gouvernement Harris. Il avait occupé les fonctions d’adjoint parlementaire au ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales.

Pour terminer, signalons la récente défection de Michael Gravelle, lui aussi au terme de 27 ans sur les bancs de Queen’s Park. Le député libéral de Thunder Bay-Supérieur Nord a révélé en février dernier qu’il était atteint d’un cancer et devait subir une chimiothérapie. « J’avais espéré et prévu de continuer à représenter mes électeurs à Queen’s Park. Cependant, ma santé et les traitements que je dois subir dans les mois à venir ont rendu ce plan impossible », a concédé sur les réseaux sociaux cet ancien publiciste pour la CBC et fondateur de la North of Superior Film Association.

Dans les circonscriptions de ces six personnalités politiques, les projections indiquent qu’il ne devrait pas y avoir d’alternance politique.