L’Ontario dans l’OIF, cinq ans en cinq actes
TORONTO – Il y a cinq ans, jour pour jour, l’Ontario faisait son entrée dans le cercle des membres observateurs de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). La province, qui a la plus forte population francophone parmi l’ensemble des membres observateurs, ne nourrit plus l’ambition de devenir membre permanent, à l’égal du Canada, du Québec ou encore du Nouveau-Brunswick. De la lune de miel de 2016 à l’éloignement de 2021, retour sur cinq moments charnières qui ont jalonné cinq ans de présence au sein de l’organisation.
Novembre 2016, une adhésion et des ambitions internationales
L’adhésion de la province à l’OIF est officialisée au 16e Sommet de la francophonie, à Madagascar, le 26 novembre 2016. La ministre déléguée aux Affaires francophones d’alors, Marie-France Lalonde, veut faire de cette étape un marchepied vers un statut permanent à terme, une démarche qui ne sera jamais entreprise par la suite. Il faut dire qu’elle a un coût : 2,5 millions de dollars annuels.
La stratégie de l’Ontario à cette période est d’exister sur le plan international à travers la langue française en rejoignant les provinces voisines dans l’organisation. Le Québec jouit de retombées culturelles et économiques. L’Ontario veut sa part du gâteau afin de soutenir sa culture francophone et développer ses partenariats internationaux.
Cette ambition nouvelle de Marie-France Lalonde tranche avec la prudence de sa prédécesseure Madeleine Meilleur qui hésitait, pesant les coûts versus les bénéfices d’une telle adhésion.
Juin 2017, initiatives, collaboration et investissement
Dès 2017, la province octroie à l’OIF 300 000 $, une contribution volontaire destinée à l’éducation et la formation, les droits des femmes et la croissance économique durable des pays de langue française. Ces investissements vont profiter à l’Institut de la Francophonie pour l’Éducation et la Formation (IFEF), au programme Égalité femme-homme et au Fonds multilatéral unique de l’OIF.
Cette même année, la province signe une entente de coopération entre l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) et le Réseau de développement économique et de l’employabilité de l’Ontario (RDÉE-Ontario) afin de stimuler l’innovation et favoriser le développement durable chez les entrepreneurs franco-ontariens.
La secrétaire générale Michaëlle Jean vante alors les initiatives de l’Ontario, « un des membres les plus actifs de la grande famille francophone », dit-elle, tandis que la province participe pour la première fois au Conseil permanent de la francophonie, en mars, et envoie une délégation à la Conférence des femmes de la francophonie, à Bucarest, en Roumanie, en novembre.
Octobre 2018, Erevan ou le changement de cap
L’année 2018 marque un tournant dans la politique ontarienne à l’égard de l’OIF. Aucun membre du gouvernement ne se déplace au 17e Sommet de la francophonie à Erevan, en Arménie. Minée par un déficit de 15 milliards, la province délaisse sa représentation à la délégation canadienne lors de ce rendez-vous lors duquel rares sont les membres à décliner l’invitation.
« La priorité de notre gouvernement est d’appuyer les Franco-Ontariens et les Franco-Ontariennes, ici en Ontario », dira à cette période Caroline Mulroney, alors ministre déléguée aux Affaires francophones, tandis que Doug Ford ordonne à ses ministres de limiter leurs déplacements l’étranger. L’OIF n’est plus sur le radar.
Lors de ce même sommet, la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, succédera à la Canadienne Michaëlle Jean à la tête de l’organisation, à la suite d’une âpre campagne électorale.
Parallèlement à son désintérêt pour l’OIF, l’Ontario boudera la francophonie canadienne en ratant les conférences ministérielles sur la francophonie de 2018 et 2019, qui rassemblent annuellement les ministres responsables de la francophonie dans leurs provinces et territoires.
Octobre-novembre 2020, dépenses de Jean et départ de Cano
Au cours de l’année 2020, deux personnalités canadiennes de l’organisation sont sous le feu des projecteurs. C’est d’abord en octobre le train de vie de l’ancienne secrétaire générale Michaëlle Jean qui est épinglé dans un rapport. Le document met en exergue un désordre budgétaire. 40 % des frais ont été engloutis dans les déplacements à l’étranger.
Le mois suivant, l’administratrice et numéro 2 de l’OIF, Catherine Cano, qui avait rééquilibré le budget et coupé trois millions en dépenses en deux ans, claque la porte, en désaccord avec Mme Mushikiwabo. Administratrice depuis 2019, le gouvernement Trudeau avait soutenu la candidature de la Rwandaise, en échange que ce poste stratégique reste dans le giron canadien.
Ces révélations sur la gestion financière et les jeux diplomatiques de succession auraient favorisé l’éloignement de certains membres vis-à-vis de la francophonie internationale. Au paroxysme de son désintérêt, l’Ontario reste à distance, ne s’engageant dans aucun nouveau projet. Le gouvernement fédéral sauvera la face l’année suivante en conservant un administrateur canadien Geoffroi Montpetit, un haut fonctionnaire canadien.
Octobre 2021, sommet de Djerba avorté et réveil de l’Ontario
Le 18e Sommet de la francophonie qui devait avoir lieu à Djerba, en Tunisie, au mois de novembre, est reporté. La situation conjoncturelle du pays, en proie à une instabilité économique, politique et sanitaire, rend impossible la tenue du sommet. Le bureau de la ministre des Affaires francophones affiche alors sa déception. Caroline Mulroney comptait participer à distance à cet événement majeur.
La province entend toujours bénéficier de la Stratégie économique pour la Francophonie 2020-2025 de l’OIF afin de « guider ses propres efforts liés au développement économique francophone en Ontario », a affirmé en octobre son bureau au micro d’ONFR+.
Depuis deux ans, la province a toutefois considérablement recentré ses efforts sur la francophonie ontarienne et québécoise. Le gouvernement a mis de côté ses investissements dans l’OIF pour se concentrer sur l’économie franco-ontarienne avec le soutien à un réseau d’entreprises qui a accouché de la Fédération des gens d’affaires et d’une plateforme bilingue de promotion des produits et services francophones de l’Ontario. La province soutient aussi en partie la création d’un incubateur d’entreprises et tente d’accroître ses échanges avec le Québec.