2023 au Parlement ontarien : premières historiques et marches arrière politiques
Tour d’horizon des temps forts de 2023 à l’Assemblée législative de l’Ontario : une année marquée par les revirements de situation politiques, les tournants décisifs et figures emblématiques pour la francophonie, ajoutés à quelques premières historiques, le tout résumé en une personnalité, une citation, une date, un chiffre et un lieu.
Lieu : la Ceinture de verdure
Ces 2 millions d’acres de terres protégées auront fait couler beaucoup d’encre et tomber quelques têtes au sein du gouvernement Ford en 2023.
De la décision du gouvernement de retirer 7400 acres (15 sites) de la Ceinture de verdure pour y construire des logements auront découlé : un rapport de la vérificatrice générale Bonnie Lysyk, révélant des manquements éthiques et environnementaux de la part du gouvernement, une enquête du commissaire à l’intégrité J. David Wake et l’ouverture d’une enquête criminelle de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Le commissaire à l’intégrité établissait notamment un traitement préférentiel pour certains promoteurs avec le retrait de 15 parcelles de la Ceinture de verdure, augmentant la valeur totale à plus de 8,3 milliards de dollars. Il faisait aussi état de plusieurs infractions du ministre du Logement et des Affaires municipales Steve Clark à la Loi de 1994 sur l’intégrité des députés.
S’en étaient suivies sa démission forcée, et celle du ministre des Services au public et aux entreprises Kaleed Rasheed, ayant pris part à un voyage d’affaires à Las Vegas avec un des promoteurs, Shakir Rehmatullah, impliqué dans les transactions de terrains de la Ceinture de verdure.
Le 21 septembre dernier, le premier ministre Doug Ford annonçait dans un mea culpa public que le gouvernement reculait et retournait toutes les terres retirées à la Ceinture de verdure.
Le 16 octobre dernier, le nouveau ministre des Affaires municipales et du Logement Paul Calandra a présenté une nouvelle législation visant à préserver la ceinture de verdure, permettant de réintégrer les terres qui avaient été retirées. Cette loi garantit également que des modifications futures ne puissent être adoptées que dans le cadre d’une procédure publique et transparente nécessitant l’approbation de la législature.
La Loi a obtenu la sanction royale le 6 décembre dernier.
Une personnalité : Edith Dumont
Elle marque l’histoire en devenant la première Franco-Ontarienne lieutenante-gouverneure de l’Ontario. Nommée le 3 août dernier par le premier ministre canadien Justin Trudeau, c’est le 14 novembre qu’a eu lieu son intronisation à Queen’s Park.
Edith Dumont devient alors officiellement la 30e lieutenante-gouverneure ontarienne et succède à Elizabeth Dowdeswell, qui occupait ses fonctions officielles depuis 2014.
Les lieutenants-gouverneurs représentent le Roi du Canada (Charles III) dans leur province et remplissent les rôles et fonctions de la Couronne, y compris ceux d’accorder la sanction royale aux lois provinciales. Ceux-ci sont nommés pour un mandat d’au moins cinq ans.
Décorée de la Médaille de l’Ordre de la Pléiade de l’Ontario en 2021, du Prix Bernard Grandmaître en 2020 et de la Médaille de l’Ordre d’Ottawa en 2017 pour ses contributions à la communauté franco-ontarienne, elle a voué une bonne partie de sa carrière à l’éducation.
Mme Dumont a notamment été directrice d’école et surintendante, présidente du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO), avant de devenir vice-rectrice, Partenariats, collectivités et relations internationales pour l’Université de l’Ontario français.
Une citation : « Il n’y a pas de retour en arrière »
C’est la phrase qu’a prononcée l’avocate des Premières Nations Kate Kempton au micro d’ONFR quelques jours après l’annonce d’un recours historique en justice de dix des 40 Premières Nations issues du Traité 9, contre l’Ontario et le Canada. L’affaire judiciaire visant à mettre fin au « contrôle unilatéral de la prise de décision par la Couronne ».
En cause, la violation alléguée du Traité 9 et la prise de décisions unilatérale en ce qui concerne l’exploitation des ressources minières et l’utilisation des terres du Cercle de feu sans leur consultation.
Selon Kate Kempton, le Traité 9 implique une co-juridiction, pour laquelle les gouvernements ontarien et canadien et les communautés autochtones doivent donner un consentement mutuel à l’utilisation des ressources et des terres, comprenant l’exploitation minière, la foresterie, la vente de terres, l’hydroélectricité et d’autres développements qui ne peuvent avoir lieu sans ce double consentement.
« Cette riposte est une première historique qui vise à remettre les Premières Nations sur un pied d’égalité avec la Couronne en termes de contrôle de la prise de décisions. »
« C’est la première fois qu’une affaire attaque directement le pouvoir décisionnel unilatéral de la Couronne au Canada comme n’étant pas le seul ultime et légitime à pouvoir prendre des décisions », explique-t-elle.
« Le traité n’a jamais été fait correctement de façon à ce que nos ancêtres comprennent complètement de quoi il s’agissait. Il était simplement destiné à voler les ressources. Aujourd’hui est le début d’une nouvelle ère », avait déclaré le chef Solomon Atlookan de la Première Nation Eabametoong en conférence de presse à Queen’s Park.
« Il y a eu 120 ans de fraude (…) Personne ne peut prédire l’avenir, mais il n’y a pas de retour en arrière. Nous avons lancé la poursuite. Cela veut dire que si les gouvernements n’acceptent pas de négocier un régime de co-juridiction maintenant, ils retardent l’inévitable », avait conclu l’avocate principale de l’affaire.
Une date : 1er avril 2023
La ministre des Affaires francophones Caroline Mulroney annonçait l’entrée en vigueur du règlement de l’offre active, qui n’était pas un poisson d’avril, s’accompagnant de neuf nouvelles mesures qui améliorent l’accès aux services en français en Ontario.
Tout organisme ou institution désignés en vertu de la Loi sur les services en français (LSF) doit notamment accueillir les usagers dans leur langue sans qu’ils aient besoin de le demander, doit se doter d’un panneau en français à l’entrée de ses locaux permettant d’aviser le public que des services français sont disponibles, ou encore les systèmes téléphoniques automatisés doivent donner l’option de recevoir des services en français et en anglais en début d’appel.
Ce règlement s’applique à toute agence ministérielle ayant des obligations sous la Loi sur les services en français, ce qui inclut des services dans divers domaines comme l’éducation, la santé et autres guichets gouvernementaux. Reste que la liste des organismes assujettis à la LSF nécessite une mise à jour.
« C’est un problème sur lequel le ministère travaille, car il y a eu de nombreux changements au sein des organismes depuis », avait confié en février dernier à ONFR l’adjointe parlementaire de la ministre Mulroney, Natalia Kusendova.
Fabien Hébert, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) avait réagit et déclaré que « la mise à jour de la liste des organismes désignés (en vertu de la LSF) doit se faire le plus rapidement possible ».
« Il est certain que, pour la prochaine année, l’enjeu sera la mise en œuvre et la formation pour le personnel des organismes qui y sont assujettis », avait-il ajouté.
Un chiffre : 109 941 élèves francophones ayants droit
Récemment, un rapport du Bureau de la responsabilité financière (BRF) a révélé qu’il y a aussi près de 110 000 enfants en droit de fréquenter les écoles de langue française de plus que de places disponibles, soit 41 % des élèves qui ne peuvent pas y avoir accès.
En 2021-2022, les écoles des systèmes scolaires français (publique et catholique) disposaient de 158 309 places seulement au total pour les 268 250 enfants et jeunes dont les parents étaient titulaires des droits liés au français.
Au manque de places disponibles, le problème de proximité géographique avec les écoles de langue française, également mis en avant, constitue un obstacle pour les parents éligibles.
Selon Statistique Canada, la fréquentation des écoles du système d’éducation en langue française baisse en effet considérablement avec l’allongement de la distance entre le lieu de résidence de l’enfant et l’école de langue française la plus proche.
Megan Cotnam-Kappel, professeure adjointe à la faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, spécialiste en technologies éducatives et en éducation en milieu minoritaire, expliquait en entrevue que « nous avons besoin d’investissements accrus, de plus d’infrastructures, de plus d’écoles pour répondre à ces besoins ».
« Non seulement il faut augmenter le nombre de places, mais aussi l’offre à travers la province. Il s’agit parfois de communautés minoritaires qui n’ont pas toujours l’option d’aller dans une école de langue française, tout simplement parce que l’option n’existe pas, à cause du manque d’infrastructures, pour ces jeunes qui ont un droit constitutionnel à cette éducation », concluait-elle.