2023 : Une année d’adaptation pour la culture
Ouvertures, fermetures, changements de plans… La communauté culturelle franco-ontarienne s’est adaptée cette année, la première à être presque normale alors que l’Organisation mondiale de la santé a déclaré la fin de l’urgence sanitaire internationale au printemps. L’industrie culturelle, très affectée par la pandémie, a fait preuve de résilience et de dynamisme. Retour en moments forts avec une personnalité, une citation, une date, un chiffre et un lieu.
Une personnalité : LeFLOFRANCO
Le créateur de « pop urbaine multicolore » a récolté les fruits de son travail des dernières années en 2023. En mars, sa chanson Danser avec toi a remporté la Manie musicale, une compétition imaginée par deux enseignantes de français du Maine, aux États-Unis. Chaque année, elles sélectionnent 16 chansons francophones à travers le monde et ce sont les élèves qui font avancer leur préférée dans ce tournoi déployé au Canada et chez nos voisins du sud.
La victoire a permis à Jeff Homère de se faire connaître non seulement des jeunes francophones, mais aussi des anglophones. LeFLOFRANCO défrichait le terrain depuis longtemps, offrant diverses activités créatives dans les écoles.
En juin, la FrancoFEST Hamilton a été le tout premier festival à le programmer comme tête d’affiche. Les réactions de la foule, majoritairement composée d’adolescents, confirmaient la nouvelle étape franchie dans la carrière du rappeur.
L’artiste brandit fièrement ses identités multiples, particulièrement haïtiennes et franco-ontariennes. Ses chansons abordent, en français, des enjeux comme le racisme ou la santé mentale, avec des paroles terre-à-terre et encourageantes qui font de lui un modèle positif pour les jeunes.
En 2023, LeFLOFRANCO a réalisé quatre tournées, dont une qui l’a mené jusqu’aux États-Unis. En mars 2024, il sera le porte-parole des Rendez-vous de la francophonie aux côtés de l’humoriste manitobaine Micheline Marchildon.
Une citation : « On nous demande d’être responsables avec les fonds publics, mais on nous impose des décisions absolument impossibles à prendre. »
Christian Pelletier, président de l’organisme We Live Up Here (WLUH) de Sudbury, commentait en août les coupes dans le programme Expérience Ontario du ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport.
Alors que l’enveloppe totale est passée de 50 à 19,5 millions de dollars, plusieurs festivals habitués de recevoir ces subventions ont vu les montants dégringoler, voire être complètement annulés.
La pression était d’autant plus forte que les résultats sont tombés à la fin juillet. Certains événements étaient déjà passés, comme la FrancoFEST du Centre francophone Hamilton (CFH), qui a dû puiser dans ses revenus autonomes pour pallier la baisse drastique des subventions.
Bredouille, le festival Up Here de WLUH a dû chambouler sa programmation à trois semaines de l’événement. La mobilisation de la population et de la Ville du Grand Sudbury a permis de remettre à l’horaire certains des éléments annulés.
Ces coupes pourraient avoir un impact sur le domaine événementiel dans les prochaines années. L’enjeu est d’autant plus délicat pour les festivals en milieu linguistique minoritaire ou en région éloignée.
Des membres de l’industrie, comme Christian Pelletier et Julie Jardel, directrice générale du CFH, ont proposé des pistes de solutions, comme de revoir la période de soumissions des dossiers ou d’octroyer des sommes pour des plans trisannuels.
Une date : 27 avril
L’industrie culturelle attendait depuis longtemps une réforme de la loi sur la radiodiffusion, qui n’avait pas été modifiée depuis 1991. Le projet de loi C-11 a été adopté le 27 avril, après d’inhabituellement longs allers-retours entre la Chambre des communes et le Sénat.
La Loi sur la diffusion continue en ligne vise à obliger les nouvelles plateformes de diffusion, comme Netflix, Youtube ou Spotify, à financer et à promouvoir le contenu canadien.
Le projet de loi a fait face à une vive opposition du Parti conservateur du Canada, des géants de l’industrie et de certains créateurs de contenu, majoritairement anglophones. Ils craignaient qu’un trop grand pouvoir ne soit accordé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qu’une forme de censure soit établie, ou que les algorithmes soient déviés et proposent des contenus moyens, mais canadiens, plutôt que des contenus qui intéresseraient réellement les internautes.
Le responsable des relations publiques à la Guilde canadienne des réalisateurs, Samuel Bischoff, avait expliqué à ONFR pourquoi les changements étaient attendus par les diffuseurs traditionnels.
« La production de contenu, la consommation, le public vont migrer de la télévision traditionnelle vers la diffusion continue en ligne. Cette loi est essentielle pour rétablir une équité et traiter de la même manière les plateformes étrangères et les plateformes nationales ».
Le décret final d’instructions au CRTC a été déposé en novembre. Il spécifie explicitement que la loi s’applique aux plateformes et non aux utilisateurs. Il demande de « favoriser l’épanouissement » des communautés de langue officielle en situation minoritaire, de soutenir la production et l’accès à des émissions autochtones et de « favoriser une plus grande inclusion des groupes en quête d’équité ». Le CRTC a deux ans pour compléter la mise en œuvre du décret.
Un chiffre : 50
C’est autour du début des années 1970 que la culture franco-ontarienne a commencé à se déployer. 2023 marquait donc le cinquantième anniversaire de certains événements et organismes clés, particulièrement dans le Nord. C’était le cas du Centre régional de Loisirs culturels de Kapuskasing, en février.
La 50e Nuit sur l’étang s’est tenue à Sudbury à la fin mars. Sous le thème « De nos racines collectives… aux quatre vents de l’avenir du possible », le festival a réuni plusieurs vétérans tout en laissant une place de choix à la relève. ONFR était sur place pour animer un panel de discussion sur 50 ans d’évolution des arts dans la ville du nickel.
En mai, toujours à Sudbury, c’était au tour des éditions Prise de parole (PDP) de souligner un demi-siècle d’existence. La maison d’édition a lancé le recueil de poésie Lieux-dits, clin d’œil de six autrices au tout premier ouvrage de PDP, Lignes Signes, écrit exclusivement par des hommes en 1973.
À Mississauga, c’est le Cercle de l’amitié qui soulignait son 50e anniversaire en 2023. L’organisme sans but lucratif vise à favoriser l’épanouissement de la communauté francophone de la région de Peel.
Un lieu : le Muséoparc Vanier
Les sourires étaient grands sur les visages au mois de mars, à l’inauguration de la nouvelle cabane à sucre du Muséoparc Vanier, une institution importante pour ce quartier d’Ottawa à forte concentration francophone.
La bâtisse précédente avait été détruite dans un incendie en 2020. L’évaporateur devrait entrer en fonction pour la prochaine saison des sucres, mais la cabane a déjà accueilli plusieurs événements, dont les nouvelles soirées jeu-questionnaire bilingues.
En avril, la directrice générale du Muséoparc Vanier, Madeleine Meilleur, a reçu le prix de personnalité de l’année à la soirée Saphir de la Fondation franco-ontarienne.
En juin, le Muséoparc Vanier a publié le livre Chroniques d’Eastview, recueil d’histoires orales de Vanier, sous la direction de Yanick Labossière. En juillet, c’est la galerie d’exposition du musée qui ouvrait à nouveau ses portes après d’importantes rénovations.
En plus de nombreuses autres activités, le Muséoparc Vanier s’est à nouveau impliqué dans sa communauté en décembre. L’événement Créer la magie de Noël a permis de récolter 5000 $ et 250 cadeaux pour les usagers de la banque alimentaire Partage Vanier.
Mentions honorables
2023 a été marquée par la toute première victoire d’une candidate ontarienne au concours télévisé La Voix, sur les ondes de TVA. Sophie Grenier s’est fait un point d’honneur de parler de francophonie canadienne et de dualité linguistique sur scène. Aussitôt la compétition terminée, elle devait retourner à l’École secondaire catholique Garneau, où elle terminait sa 12e année.
L’hymne franco-ontarien Notre place, créé par Paul Demers et François Dubé, a été intronisé au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens lors du gala Trille Or.
Le Festival franco-ontarien est revenu en juin, alors qu’il avait été déplacé en septembre depuis 2020. Organisé par la même entreprise, Groupe Simoncic, le Festival de la curd a patiné pour ne pas se faire oublier, alors que des travaux l’empêchent de se tenir à la fromagerie St-Albert. Une petite édition hivernale se tiendra en janvier 2024 au Centre communautaire de St-Albert.
À Orléans, la fermeture soudaine du cinéma Ciné Starz en septembre a consterné la population de l’est de la capitale et forcé le Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO) à s’adapter à quelques semaines de son festival Objectif Cinéma.
Dans le Nord de l’Ontario, ce sont plutôt les ouvertures qui ont marqué la fin de l’année. Le Centre culturel La Ronde de Timmins, proie des flammes en 2015, a accueilli le public dans son tout nouvel édifice en novembre. À Sudbury, on a enfin trouvé une libraire pour faire rouler la librairie francophone, déjà ouverte, mais dont le nom sera dévoilé lors d’une inauguration officielle en janvier.