KAPUSKASING – Des élus et des centaines de citoyens se sont mobilisés mercredi matin à Kapuskasing pour exiger l’intervention immédiate des gouvernements afin d’empêcher la fermeture définitive de l’usine de pâte et papiers Kap Paper. La fermeture de l’usine a fait écho à Ottawa, le gouvernement de Mark Carney précisant que des rencontres se tiennent ce mercredi avec la direction de Kap Paper.
Au lendemain de l’annonce de la mise à l’arrêt de l’usine, plusieurs élus municipaux du Nord de l’Ontario, le député provincial Guy Bourgouin et plusieurs centaines de citoyens se sont retrouvés devant la gare pour réclamer des actions concrètes des gouvernements provincial et fédéral.
Cette conférence intervient alors que Washington avait annoncé, mardi soir, des droits de douane de 10 % sur les importations de bois d’œuvre, qui s’ajoutent aux taxes punitives de 35 % déjà imposées aux producteurs canadiens.
Le maire de Kapuskasing, Dave Plourde, a souligné l’importance historique et économique de l’usine, implantée dans la région depuis 105 ans et qui assure près de 2500 emplois directs et indirects.
« Kap Paper a traversé des guerres, des récessions et même la pandémie. Ce qui nous met aujourd’hui en péril, ce n’est pas le manque de compétitivité, mais l’incapacité du gouvernement provincial et fédéral à s’entendre pour soutenir temporairement nos opérations », a-t-il déclaré.
Selon lui, la solution est claire : un prêt de trois mois du gouvernement ontarien, le temps d’obtenir un financement fédéral plus durable.
« Les deux paliers de gouvernement se renvoient la balle. Pendant ce temps, nos familles, nos hôpitaux, nos écoles et nos routes dépendent des revenus générés par Kap Paper et GreenFirst. Nous n’avons pas le luxe d’attendre », presse Dave Plourde.

De son côté, Kap Paper soutient avoir interpellé le fédéral pour obtenir de l’aide financière via le Fonds d’intervention stratégique, mais malgré « des réponses initiales positives, le calendrier ne semble pas permettre de trouver une solution immédiate pour maintenir l’usine en activité », pouvait-on lire dans un communiqué paru ce lundi. Une rencontre entre la direction de Kap Paper, sa société mère Produits forestiers GreenFirst et la ministre de l’Industrie, Mélanie Joly, était prévue mercredi après-midi.
« Nous agissons en faveur des travailleurs et de la direction de Kap Paper, qui tiennent aujourd’hui des réunions de travail avec la ministre de l’Industrie, Mélanie Joly, et d’autres représentants du gouvernement », a affirmé le premier ministre Mark Carney mercredi, à la période des questions, en réponse à une question du chef conservateur Pierre Poilievre sur les pertes d’emplois le long de la Route 11.
« Réveille-toi, Ford »
Le député néo-démocrate de Mushkegowuk–Baie James, Guy Bourgouin, a lui aussi pris la parole pour dénoncer ce qu’il appelle un « abandon des travailleurs du Nord » et il n’a pas caché sa vive émotion devant la nouvelle.
« La fermeture de Kap Paper n’est pas seulement une affaire d’entreprise. C’est l’avenir de Kapuskasing, du Nord et des familles qui ont bâti cette région. Nous avons déjà prouvé qu’en mettant les querelles politiques de côté, on pouvait sauver nos emplois », a-t-il lancé, en référence au sauvetage de l’usine Spruce Falls au début des années 1991.
Appelant le premier ministre Doug Ford à « tenir sa promesse de protéger l’Ontario », M. Bourgouin a insisté : « Ils nous ont abandonnés. Nos travailleurs et nos familles méritent des actions, pas des mots vides. Réveille-toi, Ford. »
Le maire de Hearst, Roger Sigouin, a rappelé les précédentes batailles menées contre les fermetures d’usines, notamment celle de Columbia Forest Products il y a quinze ans.
« J’avais mentionné, à l’époque, au représentant américain de cette compagnie : ‘vous allez voir une gang de Français se battre pour l’usine’. Columbia Forest Products est aujourd’hui l’usine la plus performante pas seulement à Hearst, mais en Amérique aussi », a-t-il lancé.
Et d’ajouter : « On est ici pour se battre. Ce n’est pas la première bataille qu’on mène avec les gouvernements et, excusez-moi de le dire, les activistes. Aujourd’hui, c’est encore l’industrie forestière qui est frappée. Mais pourquoi? Laissez-nous tranquilles. »
Un appel à l’unité
Des membres du syndicat UNIFOR et des employés de GreenFirst, étaient également présents. La veille, GreenFirst avait indiqué qu’elle réduisait temporairement les activités de ses scieries à Kapuskasing, Hearst et Cochrane afin d’examiner ses prochaines étapes.
« La partie la plus décevante pour moi, c’est que chacun d’entre nous, politiciens, du niveau local jusqu’au sommet, vous avons déçus, et nous devons tous en assumer la responsabilité. Depuis 2008, 65 scieries ont fermé leurs portes et nous sommes passés de 24 millions de mètres cubes récoltés par an à seulement 10 millions. J’ai honte de n’avoir pas pu changer les choses mais ça doit s’arrêter aujourd’hui », s’est exprimé le maire de Cochrane, Peter Politis.
Ce dernier a invité la foule – composée de travailleurs forestiers, d’élèves sortis de l’école pour l’occasion et de familles venues en solidarité – à se donner la main.

Plusieurs centaines d’élèves étaient présents pour l’événement, a indiqué le directeur de l’éducation et le secrétaire-trésorier du Conseil scolaire catholique des Grandes Rivières, Jérémie Lepage, qui a insisté sur l’impact humain et éducatif de la fermeture.
« Ce sont nos parents, nos amis et nos proches qui travaillent au moulin. La fermeture d’un pilier de notre communauté se répercute dans toute la maison. Nous formons les jeunes à devenir la main-d’œuvre de demain, et nous resterons aux côtés des travailleurs et de leurs familles pour assurer la survie du moulin. »
Une crise régionale
« La fermeture de l’usine de Kapuskasing n’est pas seulement un défi local, c’est une crise régionale. La foresterie est au cœur de nos communautés, et cette décision met en péril la stabilité de nombreuses villes et Premières Nations du Nord-Est de l’Ontario », a ajouté Joanne Baril, mairesse de Val Rita–Harty demandant aux gouvernements de « revenir à la table ».
« Nous en sommes à la deuxième période », a illustré Dave Plourde à l’aide d’une métaphore en fin de conférence.
« Il faut maintenant que l’autre équipe revienne sur la glace pour que nous puissions nous battre et protéger nos emplois et notre communauté. Nous avons besoin de l’engagement des gouvernements pour que ce match ne se termine pas par la fermeture de l’usine. »
« Nous n’allons pas nous arrêter avant de gagner ce combat et nous le gagnerons! », a‑t‑il conclu, en invitant les participants à envoyer massivement des lettres aux gouvernements « afin de les agacer ».
Avec les informations de Pascal Vachon.




































































































































































































